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qui s’étendait à toutes les concessions de privilèges déjà faites par le vice-roi. Cette protestation eut le même sort que celle du consul de Prusse, et on ne comprend guère que l’Angleterre ait pu couvrir un moment de son autorité des principes dont l’application ramènerait l’Égypte au temps des mameloucks.

Après avoir pourvu à l’entretien et à une meilleure exploitation des voies fluviales, Mohammed-Saïd n’aurait rempli qu’une partie de sa tâche, s’il avait négligé la navigation maritime ; mais il ne l’a point omise dans ses plans d’amélioration. Deux projets sont en voie d’exécution. L’un intéresse surtout la marine égyptienne : c’est la création d’un service de cabotage à vapeur sur la Mer-Rouge. L’autre est d’une importance bien supérieure et intéresse l’humanité tout entière : c’est l’ouverture d’un canal à travers l’isthme de Suez.

L’exploitation commerciale des côtes de l’Arabie, le transport lapide et régulier des nombreux pèlerins qui chaque année se rendent à La Mecque, tel est le double objet du privilège accordé par le vice-roi à une compagnie formée pour l’établissement d’un service de cabotage dans la Mer-Rouge. On sait que les bâtimens anglais qui portent la malle des Indes ne font que traverser cette mer. Il appartenait à la principale puissance riveraine d’y faire naître l’activité commerciale. L’avenir de la navigation est immense dans ces parages, encore à peine explorés. En attendant que l’ouverture du canal de Suez y amène toutes les nations, Saïd-Pacha prend bravement le parti d’y promener le drapeau ottoman, et cet emblème ne peut manquer d’inspirer confiance aux peuplades, en grande partie musulmanes, qui habitent les territoires baignés par la Mer-Rouge. En outre, le vice-roi répond victorieusement par cette création à ceux qui ont prétendu que cette mer n’était pas praticable à la navigation ordinaire.

Quant au canal de Suez, nous n’avons point à exposer ici le tracé qui a été définitivement adopté par le pacha d’Égypte[1]. Toutes les questions que soulève au point de vue de l’art et de la science cette grande entreprise ont été l’objet d’études sérieuses et développées dans un rapport publié par une commission d’ingénieurs des principales nations maritimes. Sans nous préoccuper du tracé à suivre, c’est la portée économique et politique de l’opération que nous voulons examiner.

Et d’abord quel sera le produit de l’entreprise ? On a évalué à 3 millions de tonneaux par an la quantité des marchandises qui passeront par le canal pour aller d’Europe en Orient et vice versâ.

  1. Voyez sur les divers projets de tracés la Revue des Deux Mondes, livraisons du 15 mars, du 1er mai 1855, et du 1er janvier 1856. Le tracé adopté par le vice-roi est celui de M. de Lesseps.