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partie à sa richesse minérale[1], surtout aux deux élémens générateurs du mouvement mécanique, le fer et le charbon. La vie des habitans, les industries locales, les mœurs des populations agricoles, ouvrières ou commerçantes, la prospérité relative de certains districts, le style du paysage, la physionomie des villes, le caractère des monumens et des maisons, se rattachent à la nature du sol comme à une racine. Et quelle contrée du globe se prête mieux que la Grande-Bretagne à cette étude du territoire national en rapport avec la civilisation et les arts ? La constitution physique des îles qui forment le royaume-uni a été l’objet de recherches persévérantes : nous interrogerons surtout trois ordres de monumens, les cartes géologiques, les musées, les travaux des géologues anglais.

C’est William Smith qui, le premier, traça la carte stratigraphique de l’Angleterre. Tout jeune, son attention fut attirée par les fossiles du terrain oolitique, près duquel il était né le 23 mars 1769, à Churchill, dans l’Oxfordshire. L’intérêt qu’il prit à la lecture de ces hiéroglyphes naturels exerça chez lui une influence sur le choix d’un état. Il fut employé comme ingénieur dans les mines du comté de Somerset. Trouvant dans sa profession des ressources suffisantes pour se maintenir à la hauteur d’une honorable indépendance, il voyagea, prenant pour point de départ de ses excursions la ville de Bath. Chemin faisant, il consulta les maçons, les mineurs, les charretiers, les agriculteurs ; il interrogea surtout le grand livre des géologues, la terre. Un fait le frappa, c’est que les couches se succèdent à la surface de la Grande-Bretagne dans un ordre déterminé, et que chacune de ces couches est pour ainsi dire datée par le caractère des restes organiques qui s’y trouvent ensevelis. Il reconnut ainsi que la masse de la terre n’était point de la même antiquité, qu’il existait un âge des roches, un âge des fossiles. En 1794, il commença sa grande carte géologique (geological map) avec une table de la superposition des couches. Dévouant à cette étude toutes les heures qu’il pouvait dérober aux travaux de sa profession, William Smith, en un quart de siècle et par ses propres forces, fit à lui seul, pour toute l’Angleterre, ce que les minéralogistes les plus distingués avaient fait, pour une petite partie de l’Allemagne, dans un demi-siècle. Méprisé de son temps par les hommes pratiques comme un visionnaire, il fut surnommé avec dérision Strata-Smith ; aujourd’hui on l’appelle à juste titre « le père de la géologie anglaise. » Sa carte, défectueuse seulement dans certaines parties, a été remaniée, continuée par les géologues modernes[2]. Il existe

  1. Les trésors minéralogiques de cette contrée surpassent en quantité et en qualité ceux de tout autre état du vieux continent : ils égalent les quatre neuvièmes de la production de toute l’Europe, et représentent une valeur annuelle de 28,000,000 de liv. st.
  2. La société ou pour mieux dire la commission officielle qui porte le titre de Geological Survey of the United Kingdom a dessiné une carte monumentale qui embrasse tout le pays de Galles et une partie de l’Angleterre.