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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 11.djvu/380

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les origines de la vie ; mais jusqu’à présent les roches qui forment en Angleterre la base du système silurien, quoique exposées sous l’épaisseur énorme de vingt-six mille pieds, ont gardé ainsi que de gigantesques sphinx le secret des premiers temps de la création. On n’y a découvert jusqu’ici, malgré des recherches assidues, aucunes traces de fossiles. Ne vous hâtez pourtant pas d’en conclure que l’Océan primitif, dont ces roches ont été le lit, fut une mer inhabitée. En Irlande, au sud de Dublin, des roches qui ont été reconnues pour être du même âge et de la même texture que celles du Longmynd ont fourni dernièrement la preuve que la vie n’était point alors absente de l’abîme des eaux. On y a trouvé deux espèces d’un humble polype, l’odhamia. Aux yeux de la science, ce fossile est vénérable : le petit être qu’il représente fut un des premiers habitans sans doute de la Grande-Bretagne, ou du moins du chaos océanique dans lequel cette région du globe était alors comme enveloppée. Un rocher et un zoophyte, parva initia magnis.

Des couches sédimentaires privées de fossiles, au moins dans le Shropshire et le pays de Galles, on passe à d’autres couches de la formation silurienne, qui sont au contraire chargées des reliques de la vie ; cette transition s’observe pour ainsi dire à l’œil nu dans le mouvement du paysage. Transportons-nous dans la vallée de Llanderis : là se déroulent deux magnifiques lacs qui communiquent ensemble par une rivière. Du plus bas de ces deux lacs, vous découvrez à distance les hauteurs du fier Snowdon, ce géant des alpes britanniques, qui semble toucher le sud avec sa main droite et le nord avec sa main gauche. Sur le premier plan, au sommet d’un roc d’une élévation médiocre, se dressent les ruines du château de Dolbadarn, une tour circulaire, dont l’ombre s’étend majestueusement à la surface tranquille du lac. Les faces ardoisées des masses inférieures qui entourent le château ne présentent aucunes traces de la vie ; mais les montagnes s’entassent graduellement sur les montagnes, Ossa sur Pélion, et dans cet ordre ascendant l’œil suit le passage des roches infossilifères du Llamberis aux roches fossilifères du Snowdon. Le même ordre de succession se remarque à Barmouth et dans d’autres endroits du pays de Galles. Un intérêt tout particulier s’attache à ces débris organiques, si, comme le croit sir R. Murchison, on y découvre les commencemens de la vie sur le globe. Les eaux au sein desquelles ces puissantes roches ont été tenues en dissolution pendant des milliers et des milliers d’années auraient été, selon lui, les premières peuplées dans l’ordre des temps. D’autres géologues anglais, plus timides ou plus prudens que sir Roderick Murchison, se contentent de considérer ces fossiles siluriens comme les reliques des plus anciens êtres animés qui se montrent dans les