Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 11.djvu/385

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Derrière ces remparts, des groupes de pasteurs habitent les mêmes districts que leurs ancêtres ont habités depuis un temps immémorial. Ils sont tous parens à un degré plus ou moins éloigné. Sous ces humbles toits qui penchent au flanc des montagnes comme des nids d’oiseaux, vous rencontrez mille tableaux touchans de la vie de famille : les enfans qui réjouissent les vieillards et les vieillards qui sanctifient la maison. Sobres, économes, simples et endurcis à la fatigue, ils grimpent, pieds nus, pendant l’été, les rochers âpres et sévères ; humains et hospitaliers, ils accueillent volontiers le voyageur. Quiconque a traversé le pays de Galles a remarqué, au milieu des montagnes, les beautés du soleil couchant ; de même que le Snowdon retient longtemps les rayons de l’astre disparu, au moment où toute la contrée d’alentour se trouve déjà ensevelie dans l’obscurité, ainsi la population de ces hauteurs a conservé un reflet des vertus antiques. Les habitans de cette région sont les descendans des anciens Kimris qui, balayés par l’invasion des Saxons, ont demandé aux montagnes, ces forteresses naturelles, de couvrir leur caractère national. N’est-il pas intéressant de retrouver ainsi sur les plus anciennes roches la plus ancienne race de l’Angleterre ? Un autre rapprochement m’a frappé : les paysans gallois parlent comme nos paysans bretons, avec lesquels ils ont d’ailleurs tant d’autres traits de ressemblance, la vieille langue celtique. Il y a quelques années, on fit venir six hommes des côtes de l’Armorique et on les mit en rapport avec les habitans de l’ancienne Cambrie. Les uns et les autres furent d’abord interdits, mais ils se mirent bientôt d’accord sur la prononciation de certains mots qui avaient varié, et la conversation s’engagea comme entre de vieilles connaissances. Ces deux rameaux d’une même race s’étaient retrouvés à travers les révolutions de l’histoire et de la nature. Il est en effet à remarquer que le pays de Galles, cette Bretagne de l’Angleterre, se trouve assis sur les mêmes roches siluriennes qui servent de base à la Bretagne française, en sorte que les montagnes des deux pays, séparées maintenant par des abîmes, ont été le lit de la même mer.

La masse uniforme des anciennes roches sédimentaires a donné lieu à quelques industries locales, notamment à l’extraction des ardoises, dont on se sert dans le pays de Galles, non-seulement pour couvrir les toits des maisons, mais aussi pour faire des monumens funèbres et d’autres ouvrages d’art. Parmi les carrières les plus étendues et les plus célèbres, nous citerons celles de Penrhyn. Les explosions retentissant de montagne en montagne, le groupe des ouvriers suspendus par des cordes sur la face des anciens récifs ou accrochés au rebord étroit des rochers, les rangées de galeries creusées l’une sur l’autre, le mouvement des pompes, des moulins et