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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 11.djvu/384

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géologique, représentent une époque de la nature, époque incommensurablement longue. Trente mille pieds de couches au moins, en y comprenant les roches ignées, ont été reconnus, dans le pays de Galles seulement et sur les bords de cette région, pour appartenir à la série silurienne. Or le temps durant lequel les roches se sont déposées et soulevées s’évalue ici par l’épaisseur de la masse. Quoique le Shropshire et le pays de Galles soient la terre typique du vieux règne silurien, des roches de la même composition, de la même date, et contenant les mêmes débris organiques, se rencontrent sur d’autres parties du royaume-uni. En Écosse, elles occupent une étendue considérable. Là aussi, elles s’enflent en montagnes marécageuses, d’un caractère sauvage et désolé, qui ont été appelées les highlands du sud. Ces masses, séparées maintenant par des distances considérables, racontent la même histoire : ce sont les pages bouleversées de la genèse britannique. Partout, en Irlande, en Écosse, en Angleterre, les montagnes siluriennes présentent un aspect formidable. Ces vieilles couches sédimentaires s’interrompent, trouées de temps en temps par des roches d’origine ignée, plus anciennes encore ; on voit sortir de leurs prodigieux amas le porphyre, le gneiss, enfin le fier granit, qui s’élance vers le ciel en s’écriant : Dinanzi a me non fur cose create se non eterne ! D’autres fois ces montagnes, filles aînées de la terre, s’associent de distance en distance à d’anciens monumens historiques, des châteaux démantelés, de vieilles abbayes en ruine, ou bien à de furieuses chutes d’eau, des lacs mélancoliques, des forêts déchirées, dont les arbres, deux ou trois fois centenaires, sont encore les plus jeunes antiquités de cet horizon qui se perd dans les nuages.

Je crois avoir indiqué l’influence de la formation silurienne sur le paysage ; il me reste à montrer par quelques traits l’empire qu’elle exerce sur les mœurs. Le pays de Galles, malgré de nombreuses communications, malgré la bande élégante et joyeuse des touristes qui le traversent chaque été, est resté, ainsi que certaines parties de l’Écosse, séparé de l’Angleterre par les habitudes, par les traditions, par la langue. Là, comme sur un promontoire, s’est arrêtée l’arche des anciennes coutumes. Il est à remarquer que sur les terrains plats, meubles et sablonneux, résident des populations mouvantes, effacées, peu attachées aux usages et aux institutions qui forment en quelque sorte le pays moral. Au contraire, sur les roches solides, qui abondent en traits heurtés, s’appuient des populations scellées au sol, des caractères granitiques, des mœurs tenaces. Les montagnes de l’ouest de l’Angleterre, qui défient l’art des ingénieurs et des constructeurs de railways — car il faudrait y bâtir des chemins de fer aériens, — ont servi de retranchement à l’esprit de localité.