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puis çà et là, au milieu des grès tachetés et moisis que ne recouvre aucun vêtement de lichen, une grande masse de chaux moussue et grise, debout comme un autel druidique, et portant les traits d’une antiquité plus reculée que les autres roches qui l’entourent : tel est généralement le style du paysage. L’aspect de cette formation n’est pourtant pas aussi frappant ni aussi hardi que celui des terrains primitifs ; l’œil y cherche vainement, au milieu des rides solennelles, les roches de granit austères, escarpées, abruptes, qui, insérées dans les terrains siluriens, donnent aux montagnes du nord de l’Angleterre un caractère titanique. Cette série de grès n’en fournit pas moins à l’art et à l’industrie des matériaux de la plus haute importance. Presque tous les châteaux féodaux et les vieilles abbayes qui, debout sous leur manteau de lierre, défient l’ongle du temps, ont été construits avec des pierres tirées des anciennes carrières de grès qui se trouvent dans le voisinage. Les pluies, bien loin de les ronger, ont au contraire lié et cimenté les parties de ces indestructibles murs, dont l’âge est connu. Si instructive que soit l’histoire de ces ruines, je lui préfère encore celle des roches elles-mêmes. Les masses actuelles de grès rouge ont formé le lit sablonneux d’une ancienne mer, moins profonde que les mers des âges précédens, et dont les rivages naissans furent foulés par d’étranges reptiles chez lesquels on distingue les caractères des batraciens combinés avec ceux du crocodile et du lézard. Ce qui étonne le plus chez ces êtres où tout est extraordinaire, c’est la taille. Figurez-vous des crapauds gros comme un gros sanglier[1] ! Ces traces présentent une ressemblance singulière avec les empreintes que laisserait sur le sable la paume de la main humaine, le pouce et les doigts étendus. Dans la carrière de Corncockle-Muir (Dumfriesshire), le révérend docteur Duncan découvrit le premier sur des pièces de marbre plates et inclinées, dont le mouvement indique à l’œil la surface d’une ancienne plage, les empreintes de la marche d’une tortue. L’animal a passé là, dans ses visites journalières à la mer. De tels vestiges de pieds de reptiles se montrent plus nombreux et plus décidés dans le nouveau grès rouge que dans les terrains précédens ; ils annoncent l’aurore d’un règne dont nous allons découvrir les grandes figures.

Dans la vallée de Lyme-Régis s’ouvrent, au milieu du lias, d’importantes carrières. Le lias constitue en Angleterre une province géologique formée par des accumulations limoneuses dans une mer suffisamment tranquille, et dont les puissantes roches se distinguent

  1. On peut voir dans les lies géologiques du Palais de Cristal ces animaux reconstitués par l’art : le dicynodon armé de deux défenses, le labyrinthodon et le cheirotherium. M. Hawkins a pris sur sa responsabilité d’ajouter une trompe aux caractères connus de la tête du dicynodon et du labyrinthodon, dont quelques os ont été retrouvés dans le Cheschire et près de Liverpool.