Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 11.djvu/408

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

peu, ils encombreront le sol de leurs débris. Par le caractère de ces divers habitans, toujours si bien appropriés aux divers milieux dans lesquels ils étaient destinés à vivre, nous pouvons connaître les traits caractéristiques de la surface de l’Angleterre à l’époque où ils florirent. Il y avait alors des mers peu profondes dans lesquelles fourmillaient les humbles formes de la vie animale, des îles couvertes d’anciens bosquets de palmiers, et sur les rivages desquelles les tortues venaient se chauffer au soleil ; des embouchures de fleuves, vastes bassins d’eau douce ou saumâtre dans lesquels le flux se faisait sentir, et qui devaient abonder en requins ; des rivières où pullulaient les crocodiles ; des bois qui servaient d’abri à de nombreux quadrupèdes et à des serpens de la taille du boa constrictor ; des lacs d’eau douce qui recevaient dans leurs tranquilles abîmes les dépouilles de nombreux testacés, et que le progrès des temps convertit plus tard en rivières courantes. Le trait caractéristique de cette troisième formation, c’est l’accroissement des terres. Tandis que les roches des âges précédens ont été déposées dans des mers ouvertes, nous avons ici des couches d’origine lacustre, souvent même des lits d’eau douce qui alternent avec les sédimens marins. Le groupe des anciennes îles s’était réuni, et cette réunion avait engendré de petits continens, avec des lacs, des baies, peut-être même des mers intérieures. Par l’étude des terrains et des fossiles, la science ne ressuscite pas seulement les animaux : elle reconstruit le théâtre sur lequel se sont agitées ces grandes existences ; mais dans la réapparition du monde éocène, un fait mérite surtout qu’on s’y arrête. Du bassin britannique, vaste embouchure d’un ancien fleuve dont le continent s’est perdu, apercevez-vous sur la carte géologique de l’Europe un autre bassin qui, séparé par un bras de mer, recevait les débordemens d’une chaîne de lacs emprisonnés dans les montagnes de ce qui était alors la Gaule. Un jour, le premier de ces bassins sera Londres, le second sera Paris. Les deux grandes villes des deux grands peuples modernes, rivaux dans l’industrie comme dans la guerre, se sont touchées de loin, sous l’action identique des causes naturelles, comme Romulus et Rémus sous les flancs de la louve. Londres et Paris sont aujourd’hui construits sur deux bassins du même âge ; on y retrouve les mêmes coquilles, le caractère futur des deux capitales est même indiqué par la nature de leur berceau. Dans le bassin de Paris s’étaient formées des masses importantes de calcaire grossier et de gypse qui ont été mises à contribution pour bâtir les monumens, les maisons, les quais, tandis que le bassin de Londres, riche surtout en argile, fournit peu de matériaux à l’architecture. Vous aurez ainsi d’un côté une ville de pierre ou de plâtre, de l’autre une ville de brique.