Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 11.djvu/417

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’une poussière humide de coquilles et de madrépores, qui se consolide en pierres, et la pierre ainsi formée est si compacte qu’on s’en sert pour l’architecture. Au sud, près de Helston, les terribles vagues qui roulent dans la Baie de Mount (Mount’s-Bay) ont élevé une haute montagne de sable qui bloque Loo Harbour (port de Loo), comme on l’appelle encore par tradition, quoique l’ancien port ait disparu, et soit maintenant remplacé par un lac d’eau douce, situé à l’intérieur des terres. De temps en temps, ce lac s’enfle et monte si haut qu’on est contraint de le décharger en ouvrant une tranchée à travers la barrière de sable. Il n’y a pas jusqu’aux plus durs rochers, ces symboles classiques de la force de résistance, dont la vague n’use et ne mine de jour en jour, sur certaines côtes, l’effrayante citadelle ; à la longue ces masses immobiles s’ébranlent, montrant aux yeux par de vastes débris qu’il n’y a d’éternel dans le monde que le changement. Suivant Lyell, la Grande-Bretagne doit s’attendre à subir dans l’avenir des âges d’autres transformations matérielles que celles dont nous avons indiqué la trace. Il ne croit pas, avec Cuvier, que la marche de la nature soit arrêtée. Les mêmes lois qui ont successivement modifié l’économie des climats et la physionomie des contrées où fleurit maintenant la civilisation agissent encore à la surface du globe, et doivent produire en un temps donné les mêmes conséquences. Tout ce qui s’est passé avant et durant les âges historiques se passe maintenant autour de nous : les pierres n’ont pas cessé de naître ni de se durcir ; les mers avancent sur certains points et reculent sur d’autres ; de sourdes actions volcaniques élèvent le niveau des terres, qui s’abaissent sur d’autres points ; la faculté de faire des fossiles n’est point elle-même, comme on l’avait supposé, une faculté perdue ; ce qui vit, aussi bien que ce qui a vécu, tend à laisser une trace. Seulement comme il faut à la nature des milliards de milliards de siècles pour accomplir ses grandes œuvres, la plupart de ces changemens à marche lente défient nos courts moyens d’observation. Pour juger du mouvement, il faudrait d’ailleurs prendre son point d’appui dans l’immobilité ; or ce point d’appui n’existe pas : l’homme change avec tout ce qui change. La création se continue : le brin de bruyère qui se dessèche et tombe à la fin de l’année dans les marais, le grain de sable qu’apporte le vent ou la vague, la goutte d’eau qui se détache de la roche, l’obscur travail du zoophyte qui naît et meurt au fond des mers[1], les générations de mollusques dont la maison ou le tombeau accroît la masse sédimentaire des océans, des fleuves ou des lacs, tout renouvelle, tout modifie la face éternelle de l’univers.

  1. Ces petits architectes sous-marins construisent dans les océans tranquilles des récifs contre lesquels peuvent échouer les navires, des îles, peut-être même le germe de continens futurs.