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LA
TREVE DE DIEU

Geschichte des Gotlesfriedens (Histoire de la Trêve de Dieu), par M. Kluckhohn, Leipzig, chez Hahn.



Lorsque, dans les temps antérieurs à l’histoire, les peuples naïfs recevaient de la tradition orale les grands récits qui concernaient leur race, l’exacte vérité n’était pas précisément ce qu’ils y cherchaient. Glorifier sa tribu, rendre haïssable la tribu ennemie, telle était l’intention première des narrateurs. De bouche en bouche, l’imagination renforçait les traits que la partialité avait choisis ; ensuite, comme il fallait fixer les souvenirs sur les murs des temples ou d’autres monumens, l’art venait résumer les choses sous des formes symboliques, et sculptait les qualifications morales en images allégoriques et surnaturelles. La race ennemie était figurée sous des traits odieux ou ridicules, l’ami devenait un demi-dieu qui marchait sur les nuages, et voilà l’histoire transformée en mythologie. Ensuite la postérité prend ces figures à la lettre, les poètes les décrivent comme s’ils les avaient vues, et ainsi la tradition se remplit d’êtres monstrueux qui combattent contre les dieux mêmes, et d’énigmes historiques que nos savans ont aujourd’hui à deviner. C’est ainsi que les poèmes indiens, décrivant les peuplades vaincues par Rama, en font une nation de singes. Les mythes égyptiens qui racontaient l’irruption et les ravages des pasteurs ont revêtu ceux-ci de la monstrueuse image de Typhon, génie du mal, sorti du désert,