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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 11.djvu/42

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et réveiller ses scrupules assoupis. L’élection des évËques était faite dans chaque cité par une assemblée composée du clergé, du corps municipal et du peuple. C’était là que se produisaient et se discutaient les candidatures, et qu’un premier choix s’opérait ; puis le métropolitain de la province, assisté des autres évêques du ressort, nommés comprovinciaux, choisissait parmi les candidats désignés par l’assemblée, et proclamait le nouvel évêque : ce second acte de l’élection s’appelait la nomination. Les mêmes formes étaient observées pour le remplacement du métropolitain, avec cette différence que, dans ce cas, le conseil des évêques comprovinciaux était présidé par un d’entre eux, ordinairement le plus ancien, qui remplissait la fonction de nominateur. Or au commencement de l’année 472 tous les sièges épiscopaux de la première Aquitaine se trouvaient vacans ou sans évêques, un seul excepté, celui de Clermont. Sidoine, le dernier institué des comprovinciaux, allait donc se trouver chargé, sans assistance et sans partage de responsabilité, de la nomination de son métropolitain. Il y avait de quoi effrayer un plus expérimenté que lui. Bientôt en effet un décret de la curie ou sénat municipal de Bourges lui notifia officiellement la vacance du siège, l’invitant à se rendre sans délai dans cette ville pour observer par lui-même l’état des choses et préparer l’élection.

Cette solitude des églises de la première Aquitaine tenait à une situation particulière de la Gaule vis-à-vis des Barbares, qui en occupaient les provinces méridionales. Depuis qu’Honorius, par une des plus mauvaises inspirations de sa fatale politique, avait jeté le peuple visigoth à l’ouest des Alpes, pour en délivrer l’Italie, l’esprit de prosélytisme arien s’était implanté dans l’Aquitaine à côté de l’esprit de conquête. Ces rois goths de Toulouse, qui ne montaient plus au trône des Balthes que par des fratricides, ces farouches successeurs d’Alaric s’étaient faits théologiens. Euric, qui régnait alors, entretenait à sa cour presque autant de prêtres que de chefs militaires, et l’on doutait, dit Sidoine, s’il était le roi de sa nation ou celui de sa secte. Par une idée qui ne manquait d’ailleurs ni d’élévation ni d’audace, il prétendait faire de l’arianisme la religion du monde barbare, comme Théodose, en vertu des lois d’unité catholique, avait fait du catholicisme la religion du monde romain. Déjà en 466 il avait forcé les Suèves d’Espagne, par crainte de ses armes, à quitter le symbole d’Athanase pour celui d’Arius, et tout récemment, par des négociations habiles, il avait obtenu le même succès près des Burgondes, dont on vantait jusqu’alors l’orthodoxie. En même temps qu’il attirait les Barbares sous le drapeau de l’unité arienne, il attaquait le catholicisme chez les sujets romains, persuadé que la nationalité romaine n’avait pas d’auxiliaire plus courageux