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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 11.djvu/426

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La première période commence au moment où le clergé élève la voix contre les conséquences des guerres privées, et où, dans les conseils provinciaux, il porte ses premiers décrets contre les perturbateurs. Le signal semble en avoir été donné d’abord à Poitiers, dès l’année 989, par les évêques d’Aquitaine réunis, « Que celui, disent-ils, qui fait effraction dans l’église et en emporte quelque chose de force soit anathème ! Anathème soit encore celui qui dérobe aux cultivateurs et aux pauvres leurs moutons, leurs bœufs, leurs ustensiles ! » L’excommunication et l’interdit sont les seules armes dont le clergé dispose ; mais elles sont redoutables parce qu’elles émeuvent la conscience populaire. Peu de temps après, on voit quelques seigneurs laïques s’unir aux conciles, qui deviennent ainsi des centres d’action pour les âmes généreuses, lasses de l’anarchie ou repentantes. Un évêque du Puy convoquait les princes et les barons, et, soutenu par eux, lançait l’excommunication contre ceux qui pillaient les églises, les châteaux, les chaumières, arrêtaient et dévalisaient les marchands sur les routes, volaient ou tuaient les chevaux, les bœufs et autres bêtes de somme ou de produit. La fureur était si grande et si universelle, que ces malédictions sacerdotales tombaient souvent comme un vain bruit sur les coupables ; alors on jetait l’interdit sur tout un canton ; les cérémonies religieuses étaient suspendues, les temples fermés, les sacremens refusés, les peuples dans l’effroi. Un concile de Limoges fut forcé, en 1031, de réprimer par ce moyen la noblesse de cette province qui ravageait le pays. Comme ces coups d’autorité perdaient leur force en se multipliant, on imagina en ce même temps de recourir à l’association, et de former des ligues volontaires pour le salut public. On l’essaya d’abord à l’occasion d’une épidémie meurtrière qui avait sévi en Aquitaine ; aux yeux de la multitude, c’était un châtiment envoyé directement du ciel pour punir les infractions à la paix. Le clergé profita de l’émotion publique ; on réunit dans une église les ossemens des saints et toutes les autres reliques vénérées dans les environs ; les prêtres, les seigneurs, le peuple s’y rassemblaient en foule, et on leur faisait prêter un serment solennel de faire dorénavant décider toutes leurs querelles par les voies pacifiques du droit. Cet essai ne fut probablement d’abord pas sans fruit, car en 1023 les évêques de Bourgogne l’imitèrent ; ils voulurent même engager dans ce serment toute la population, ce qui aurait pacifié le pays d’un seul coup : espérance prématurée, qui fut accueillie avec enthousiasme dans les diocèses du nord, et ne produisit que d’innombrables parjures.

Cependant on ne réprime pas aisément, dans les grandes calamités, le besoin de faire quelque chose ; les expédiens les plus hasardeux