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de Monza sur Milan. Cette ville a dans ses quartiers les plus animés une physionomie tout espagnole. Balcons, jalousies, rideaux extérieurs, couleurs vives et foncées, frappent les regards, et accompagnent à merveille de riches boutiques dans le genre de Paris. En Lombardie, toutes les femmes, même celles des champs, sont coiffées en cheveux. De vieilles paysannes ont une natte très serrée enroulée derrière leur tête grise. Cette natte, quelquefois maintenue par de longues épingles d’argent en éventail, commence à être remplacée par une coiffure qui diffère peu de celle de nos salons. Partout on voit des cheveux lissés et bouffans autour du front, et un chignon très bas qui tombe jusque sur le cou. Pour sortir dans les rues de Milan, toutes les femmes, à l’exception de cette élite infortunée qui croit devoir à son rang de préférer les chapeaux parisiens, jettent sur leur tête un voile noir qu’elles croisent ensuite sur leur poitrine et portent avec beaucoup d’élégance. On suppose volontiers que cette mode vient de Séville ou de Madrid, et l’on s’arrêterait pour voir cheminer lestement ces apparentes Castillanes, s’il ne fallait se hâter d’aller à Sainte-Marie-des-Grâces, car je prétends me faire valoir, et je déclare que, sans m’arrêter même à la cathédrale, ma première course a été pour le célèbre Cenacolo.

L’église est loin, et l’on a plus des deux tiers de la ville à traverser. Cette église en elle-même a son mérite; sa coupole n’est pas indigne du Bramante, et l’édifice devrait fixer notre attention, quoiqu’il soit tout en brique, et malgré sa façade un peu plate et ses ornemens en terre cuite. Les Italiens admettent facilement ces moulures de terra cotta, qui sentent l’industrie et qui choquent toujours dans un monument d’apparat. A l’intérieur, des fresques de Gaudenzio Ferrari, assez délabrées, pourraient encore captiver les regards, s’ils n’étaient distraits d’avance, cherchant au hasard ce qu’ils ne trouvent pas. Ainsi faisaient deux Américains, qui me demandèrent où était la celebrated painting. « Dans le couvent voisin, » leur répondis-je. Mais comment entrait-on au couvent voisin? Ils eurent bientôt trouvé un sacristain qui leur dit de le suivre, et je les suivis au couvent des dominicains, qui a pris bel et bien, en changeant de destination, une mine de caserne. On frappa, la porte s’ouvrit, et d’une première cour, qui ressemblait à toutes les cours, nous passâmes dans une seconde, celle-ci entourée d’un cloître, et dans ce cloître, quelques fresques, plus décrépies que ternies, me parurent plus curieuses que belles; d’ailleurs ces éternels soldats que tout le monde a vus là ne manquaient pas d’y être, cirant leurs bottes ou blanchissant leur buffleterie devant les débris d’une glorification de saint Thomas d’Aquin. Cette compagnie n’invitait pas à s’arrêter pour disserter sur l’archéologie de la peinture et les illustrations de