Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 11.djvu/502

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de lapis-lazuli de la grandeur des miniatures ordinaires. Titien y a peint d’un côté une tête de Christ, et de l’autre une tête de Vierge, qui, même dans ces petites dimensions, rappellent son style et sa couleur. Le cadre est une guirlande de feuilles, de raisins et d’autres fruits en or ou en argent doré, ciselé par Benvenuto Cellini, et qui, examiné à la loupe, m’a paru d’un merveilleux travail. Il est difficile de rencontrer un bijou qui fasse plus envie.

Brescia est une des villes qui ont donné le signal d’un usage adopté assez généralement en Italie, celui des cimetières monumentaux. L’architecture des cimetières est une nouveauté chez les modernes, et qu’ils doivent à l’antiquité. Pendant un intervalle de plusieurs siècles, les églises ont recueilli la plupart des sépultures que la gloire, le goût ou la vanité demandaient à l’art d’embellir. Il faut aujourd’hui revenir à ce qui s’appelait autrefois nécropole. Tout le monde a entendu parler du cimetière de Francfort, jardin anglais auquel des tombeaux servent de fabriques. A l’époque où je l’ai vu, c’était encore, si l’expression est permise, un lieu très agréable en soi, quoiqu’on le pût trouver empreint d’une mélancolie romanesque plutôt que d’une gravité religieuse; mais il n’en convenait que mieux à certains états de l’âme. L’inconvénient sous le rapport de l’art, c’est qu’avec le temps le monument doit empiéter sur le jardin. La proportion de la verdure avec la pierre doit changer, et l’espace donné à la promenade et à la solitude doit diminuer, tant les rangs sont pressés, tant la mort est prompte; c’est le cas de la citation de Bossuet. Même dans leurs jardins, les Italiens ne sont pas habitués à faire au règne végétal une aussi grande part que les Anglais ou les peuples du Nord. Les nouveaux cimetières de leurs villes consistent en général en un vaste péristyle dont les galeries droites ou courbes enferment un espace régulier jonché symétriquement de sépultures pareilles, surmontées chacune d’une croix de pierre uniforme. Sous les galeries du pourtour sont placés les tombeaux plus ornés, de quelque importance ou d’un certain travail. Il n’est pas rare de rencontrer là d’assez bons ouvrages de sculpteurs modernes. Une chapelle s’élève à l’entrée ou au fond de l’enceinte, et forme le monument principal de la nécropole. Des cyprès plantés en rideau ou en avenue complètent, avec leurs obélisques d’un vert sombre, le caractère funéraire. Des trois cimetières que j’ai visités, ceux de Brescia, de Vicence et de Padoue, aucun n’est terminé; mais le premier, tout construit en marbre, m’a paru le plus beau : il me semble qu’il y a là un nouveau motif architectural qui mériterait d’être étudié.