Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 11.djvu/54

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à l’épiscopat : il refusa, aux applaudissemens des gens de bien, qui le félicitèrent d’avoir placé la dignité de ses parens au-dessus de la sienne ; mais j’oubliais presque la chose par laquelle j’aurais dû commencer. Moïse eut besoin du secours de tout Israël pour construire l’arche d’alliance ; il fallut à Salomon pour bâtir un temple dans Jérusalem toutes les ressources de la Judée, cumulées avec les dépouilles de la Palestine, avec les tributs des rois voisins, avec les trésors de la reine de Saba, et celui-ci, jeune encore et soldat, fils de famille et père de famille, a construit seul, avec une fortune médiocre, une église pour vous, dans votre ville. Les représentations de ses vieux parens ne l’ont pas plus arrêté que la vue de ses jeunes enfans, et quand il eut fait ce sacrifice à sa piété, il voulut qu’on n’en parlât plus. En effet, Simplicius n’est pas de ces hommes qui courent au vent de toutes les popularités ; il ambitionne l’estime des bons, et non la faveur de tous. Son affection est précieuse, parce qu’elle sait choisir. Il recherche donc les amitiés éprouvées, il s’y attache de toutes ses forces, et les observe avec fidélité. Il accepte honnêtement aussi les inimitiés qu’on lui déclare ; lent à y croire, il est prompt à les déposer. En un mot, Simplicius est d’autant plus digne de votre ambition qu’il n’en a point pour lui-même, et qu’il s’est toujours montré plus soucieux de mériter le sacerdoce que de l’obtenir.

« D’où savez-vous tout cela, me dira-t-on, vous qui n’êtes ici que depuis quelques jours ? » Ma réponse est simple. Avant de connaître Bourges, je connaissais les habitans de Bourges ; j’en avais rencontré beaucoup sur les routes, beaucoup lorsque je servais sous les drapeaux, beaucoup dans mes voyages ou dans les leurs, beaucoup dans la pratique des affaires, soit publiques, soit privées. Est-ce que la réputation d’un homme ne peut pas dépasser les frontières de sa patrie ? Est-ce que la grandeur d’une ville ne tient pas à l’illustration de ses habitans au moins autant qu’à l’étendue de ses murailles ? Je savais donc qui vous étiez avant de savoir où vous viviez. Ainsi je n’ignorais pas que Simplicius avait épousé une femme de cette maison des Pallades doublement célèbre dans les chaires de l’église et dans celles de l’école. Et, attendu que la mention d’une matrone doit être comme elle pleine de modestie et de retenue, je me borne à vous affirmer que, fille et belle-fille d’évêques, cette femme répond à la dignité des deux sacerdoces de sa maison, et de celui à l’ombre duquel elle a grandi dès l’enfance, et de celui près duquel elle a passé comme épouse. De concert avec son mari, elle élève sagement et religieusement deux fils, jeunes gens très distingués, dont la vue réjouit d’autant plus leur père qu’ils semblent vouloir le surpasser un jour.