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« Or donc, puisque vous vous êtes engagés à prendre mon humble avis pour votre loi dans cette élection, et puisqu’un engagement écrit équivaut à une parole jurée, je déclare, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, que Simplicius sera l’évêque de votre cité et le métropolitain de ma province. — Si j’ai bien fait, applaudissez. »

Simplicius fut évêque.

Deux ans après, les acteurs de cette scène électorale étaient dispersés par la guerre. Euric, revenu avec une formidable armée, avait pris Bourges ; l’Auvergne elle-même était envahie. On ne sait ce que devint Simplicius dans ce premier moment de désordre, et, suivant toute apparence, il alla revoir, avec un redoublement de souffrances, les ergastules barbares qu’il avait visités dans sa jeunesse. Sidoine, renfermé dans Clermont, y soutint un siège héroïque : magistrat et général autant qu’évêque, il conseillait, il commandait, il animait tous les courages de sa propre énergie, tandis que son beau-frère Ecdicius tenait la campagne au dehors. Les assiégés furent réduits à manger les herbes qui croissaient dans les fentes de leurs remparts ; mais la ville fut sauvée.

Tels étaient ces grands évêques du Ve siècle, gens du monde, gens de guerre au besoin, administrateurs, littérateurs, et qui avec cela savaient donner les plus grands exemples de sainteté.

La Gaule possédait alors une brillante cohorte de ces saints, dont le nom est arrivé jusqu’à nous entouré de la vénération des âges : Germain d’Auxerre, Loup de Troyes, Mamert de Vienne, Euphronius d’Autun, Perpétuus de Tours, Patiens de Lyon, et d’autres encore. Ils furent les sauveurs du catholicisme en Gaule, les derniers défenseurs de la civilisation de nos pères, les derniers héros de Rome expirante. La haine et le mépris du Barbare formaient entre eux un lien commun ; avec les Visigoths, ils voyaient fondre sur leur pays l’ignorance, l’obscurcissement de l’esprit, la grossièreté des mœurs, la férocité des instincts, et s’éteindre, en même temps que la pureté de la foi chrétienne, tout ce qui leur semblait en ce monde la condition désirable de la vie. C’était à leurs yeux plus que la servitude et plus que la mort. « Je hais les Barbares parce qu’ils sont méchans, écrivait un jour à Sidoine Fauste, évêque de Riez, son ami. — Et moi, répondit Sidoine, je les haïrais bien davantage, s’ils étaient bons. »


AMEDEE THIERRY.