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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 11.djvu/579

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réclamée par chacune de ces trois destinations. Examinons si la masse du précieux métal qui serait ainsi absorbée serait telle qu’il n’en dût plus rester sur le marché pour déprécier la monnaie d’or par rapport aux denrées ou autres marchandises, ou, ce qui revient au même, pour donner lieu au phénomène d’un enchérissement marqué de ces marchandises et denrées.

Il est exact que les États-Unis se sont proposé, dans ces derniers temps, d’avoir une notable quantité d’espèces en or, et qu’ils en ont beaucoup frappé; mais combien en ont-ils gardé, et combien leur en faut-il? L’or qu’en France nous trouvons extrêmement portatif, parce que nous étions accoutumés à la monnaie d’argent, parait plutôt incommode aux habitans des États-Unis, parce que l’usage est établi parmi eux d’avoir en billets de banque la somme qu’il est bon de porter sur soi, et chez eux le billet de banque répond à la plupart des besoins journaliers et courans, parce qu’il est en petites coupures. Dans ceux des états où l’on a le plus de réserve à cet égard, les billets de banque descendent jusqu’à 5 dollars (26 fr.). Dans les autres états, et particulièrement dans celui de New-York, on a le billet d’un dollar (5 fr. 18 c), et les billets d’un état, quand ils ont bonne renommée, circulent assez facilement dans les autres. Il faut aussi prendre en considération la coutume généralement suivie aux États-Unis par les particuliers d’être en compte courant avec une banque et de s’en servir pour toute sorte de paiemens, même pour ceux du ménage, ce qui dispense d’avoir chez soi une somme un peu importante en numéraire, même en numéraire de papier, c’est-à-dire en billets de banque[1]. Dans ces conditions, il est permis de croire que les États-Unis seraient convenablement pourvus avec la somme d’un demi-milliard de francs en espèces d’or. Je dirais même moins, sans les exigences du gouvernement fédéral, qui depuis un certain nombre d’années s’est fait une loi absolue de ne recevoir que du numéraire métallique dans ses caisses, ce qui astreint le commerce d’importation, qui a des droits de douane à payer, ainsi que les acheteurs des terres publiques, à avoir par devers eux une quantité assez forte de pièces d’or. On sait que la somme d’un milliard en pièces d’or a été souvent représentée comme suffisante pour l’Angleterre, dont la population est égale à celle des États-Unis, mais où le billet de banque ne descend pas, excepté en Ecosse[2], plus bas que 125 fr. Là où, pour les paiemens au-dessous de 125 francs, il faut de la monnaie métallique, on conçoit que l’or

  1. J’emploie ici le mot de numéraire dans le même sens que les Anglais celui de currency, qui comprend non-seulement les espèces métalliques, mais les billets de banque, lesquels représentent la monnaie.
  2. Par sa population, l’Ecosse n’est que le dixième du royaume-uni.