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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 11.djvu/582

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L’Espagne a commencé, en ce sens qu’elle a retiré la qualité monétaire aux pièces d’or étrangères; il serait possible assurément qu’elle allât plus loin.

Il ne faut pas perdre de vue, en effet, qu’une des raisons qui ont valu aux deux métaux précieux la fonction monétaire dont ils sont revêtus, simultanément ou séparément, dans les différens états civilisés, consiste en ce que ce sont des marchandises d’une valeur plus fixe en général que les autres. La fixité relative de valeur est une des conditions essentielles auxquelles un objet doit satisfaire pour servir de monnaie, car si cette fixité n’existait pas, comment la monnaie ainsi constituée pourrait-elle être la mesure des valeurs? Du moment que cette condition cesse d’être remplie ou doit rester suspendue pour un laps de temps de quelque étendue, ce n’est ni plus ni moins qu’un cas de déchéance. Cela est si bien senti par les hommes versés dans ces matières, qu’en Angleterre, aujourd’hui que la baisse de la valeur de l’or est imminente et même déjà en voie de s’accomplir, de bons esprits ont émis l’avis qu’il fallait quitter l’étalon d’or et passer à l’étalon d’argent. L’or désormais, suivant ces personnes, devrait être démonétisé en Angleterre. J’aurai lieu plus loin de citer une publication-remarquable où cette opinion est soutenue avec beaucoup de force. A plus forte raison, pour les pays tels que l’Espagne, où les deux métaux, l’or et l’argent, circulent parallèlement sans que l’un soit plus que l’autre qualifié d’étalon, une mesure pareille peut-elle être raisonnablement prévue ou tout au moins rangée au nombre des choses possibles.

Je crois pouvoir passer ici sous silence le débouché de l’Asie et de l’Afrique. Tout le monde sait que dans les régences barbaresques, dans le Levant, en Chine et dans l’Orient en général, l’argent est le métal préféré. Ce sont des pièces d’argent que l’Europe expédie à ces contrées, et non pas de l’or. Ce n’est pas que dans quelques-unes des régions de l’Asie lointaine, dans l’Inde par exemple, l’or ne soit un métal apprécié et recherché; mais les mines locales et celles des îles de la Sonde, particulièrement de l’île de Bornéo, qui sont importantes, suffisent à ces besoins.

En résumé, d’après ce qui précède, si l’on cherche à évaluer la quantité d’or qui pourrait être réclamée d’ici à une dizaine d’années pour compléter ou rétablir sur ses fondemens naturels le numéraire des états qui, notoirement, manquent de métaux précieux, ou qui, soumis au régime du papier-monnaie, sont en position de faire de grands efforts pour s’y soustraire, on n’arrive à rien qui soit bien important. L’Autriche seule apparaît comme pouvant accueillir une certaine proportion du noble métal, et c’est en vertu d’une hypothèse complaisante que j’ai porté à 145,000 kilog. pesant l’or qui pourrait