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et dans le reste de l’Amérique, mettons le total à 25 000 kilogr., année moyenne, pour la période décennale qui s’ouvre. C’est le porter bien haut, car nous n’y comprenons pas ce qu’il faudrait d’or pour deux annexes du même chapitre, la dorure et le galon, dont dans un instant nous tiendrons compte avec non moins d’ampleur. On voit par là quelle est la limite de ce que peuvent faire la bijouterie et l’orfèvrerie d’or pour empêcher ce métal d’être en excès sur le marché ; c’est bien éloigné de ce qu’il faudrait.

Le monde, dira-t-on, a bien absorbé la masse de près de 40 millards d’argent ou d’or que l’Amérique a fournis depuis Christophe Colomb. Eh ! sans doute, mais à quelle condition cette masse de matière précieuse a-t-elle pu se placer ? A la condition que la valeur de l’argent baissât dans le rapport de 6 à 1 et celle de l’or dans le rapport de 4 à 1. C’est moyennant un changement analogue (sauf la proportion de la baisse, sur laquelle je ne me prononce pas), et c’est ainsi seulement que l’or qu’on extrait avec tant d’abondance des mines nouvelles parviendra à se colloquer quelque part. L’essai que je soumets aujourd’hui au public est destiné à prouver, non pas que cette production inusitée du précieux métal ne saurait rencontrer un emploi à aucune condition, ce qui serait absurde, mais simplement qu’avec la valeur qu’il possède présentement par rapport à l’ensemble des autres marchandises en général, il ne pourrait réussir à s’écouler. Le genre humain n’est pas assez riche pour en payer aussi cher une masse aussi considérable, ni ne le sera de longtemps. Pour trouver une issue par où passer, il faut de toute nécessité que cette énorme extraction s’abaisse fortement dans sa valeur.

Mais n’anticipons pas sur la conclusion. Poursuivons l’énumération des différens débouchés extraordinaires qui peuvent être ouverts à la production extraordinaire de l’Australie et de la Californie, et avant tout finissons le compte de la bijouterie et des usages analogues ; parlons de la dorure et des galons. À Paris, nous nous dorons beaucoup, nous prenons du galon d’une façon surprenante. N’y a-t-il pas là une consommation très grande qui permette aux producteurs d’or de placer leur matière précieuse presque indéfiniment, sans qu’elle ait à baisser de valeur ? — Afin de répondre à cette question, rendons-nous compte de la quantité de métal qui est requise pour dorer une surface donnée. L’or, on le sait, est le plus malléable des métaux ; il l’est à un degré dont on se ferait difficilement une idée sans interroger la pratique. On le met en feuilles qui, par le progrès de l’industrie du battage, sont tellement minces aujourd’hui, que quatorze mille ne font que l’épaisseur d’un millimètre, et par conséquent 14 millions de feuilles mises l’une sur l’autre occu-