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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 11.djvu/586

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peraient une épaisseur totale d’un mètre seulement. Avec un mètre cube d’or massif, qui à la vérité ne pèserait pas moins de 19,258 kilogrammes, on pourrait dorer une superficie de 1,400 hectares; avec 1,000 kilog., on couvrirait d’or 72 hectares ou 720,000 mètres carrés; c’est un résultat qui confond l’imagination. Et pourtant l’or qui sert à faire les galons s’étend bien plus encore. Le fond des fils dont le galon se tresse est d’argent, la surface seule est d’or, et avec un gramme d’or valant aujourd’hui 3 fr. 44 cent., on peut dorer un fil de 200 kilomètres de long. Dans une pièce d’or de 20 francs, il y a tout l’or nécessaire pour recouvrir un fil qui irait de Calais à Marseille.

Je pourrais faire remarquer encore que, dans le calcul de ce qu’on peut faire de dorure avec un mètre cube d’or ou bien avec 1,000 kilogrammes, j’ai parlé comme si c’était de l’or absolument fin qu’on y employât, supposition inexacte. L’expérience démontre que pour tirer tout le parti possible de la malléabilité de l’or, il y a de l’avantage à y mêler une certaine proportion d’alliage qui diminue d’autant l’emploi du métal précieux. Il est vrai que cette proportion n’est pas grande; elle est d’environ 4 pour 100, et nous en ferons abstraction ici.

Supposons maintenant que dans un salon convenablement doré, il entre cinq mètres carrés pleins de feuilles d’or; c’est, je le crois, être assez large. Avec 1,000 kilogr., on pourrait donc dorer cent quarante-quatre mille salons ou chambres, c’est-à-dire vingt fois au moins le nombre qui s’embellit ainsi tous les ans dans l’ensemble des rares villes où l’on dore l’intérieur des maisons. Avec ce qui resterait, quelle masse de cadres et de livres, de timbales d’argent, de couverts, et d’épaulettes, et d’objets de toute sorte ne couvrirait-on pas de l’éclat de l’or! Qu’on augmente le nombre des feuilles par salon, qu’on enfle autant qu’on le voudra le nombre des livres ou des cadres dorés, et l’on n’arrivera encore à rien qui mérite qu’on s’y arrête. A Paris, où l’on bat à peu près la totalité de l’or qui sert à la dorure par application en France et dans une partie de l’Europe[1], le battage n’opère pas sur plus de 1,150 à 1,200 kilogr. Je tiens le fait d’un homme fort honorable, qui était à la tête de cette industrie, et qui en possédait à fond la statistique[2].

La dorure par la voie humide, c’est-à-dire au moyen d’une disso-

  1. En 1855, la France a exporté 358 kilog. d’or battu en feuilles, et 26 kilog. d’or tiré ou laminé. Il y a eu en outre une exportation de 713 kilog. d’or filé sur soie; mais dans cette dernière marchandise, la soie fait de beaucoup la majeure partie du poids.
  2. M. Favrel, un des notables commerçans de Paris. Il est mort il y a peu de mois.