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lation sur la quantité du numéraire métallique, et particulièrement de la monnaie d’or, peut surtout être sensible là où il n’y a pas de billets de banque de moins de 125 francs, comme en Angleterre, ou de moins de 100 francs, comme c’était chez nous jusqu’à la loi votée à la fin de la session dernière; mais la population n’augmente, en quelque lieu que ce soit, qu’avec lenteur, en comparaison de la croissance qu’a éprouvée la production de l’or. En Europe, c’est, selon les états, de 1 1/2 pour 100 à 2 1/2 par an. Aux États-Unis, par une exception unique, c’est de 3 pour 100, sinon d’un peu plus. Admettons en moyenne la proportion de 1 1/2 pour 100, ce qui sera une exagération. Maintenant quelle est la masse de monnaie d’or d’où il faut partir? Il serait bien difficile de porter au-delà de 4 ou 5 milliards ce qu’il en faut dans la circulation, indépendamment de la monnaie d’argent, pour l’ensemble des pays de la civilisation chrétienne[1]. Disons 5 milliards : 1 1/2 pour 100 sur cette somme fera 75 millions de francs, soit 22,000 kilogr. d’or.

Ici on représentera qu’il ne faut pas envisager seulement le développement de la population, que le progrès de la richesse générale, ainsi que la diffusion du bien-être parmi les classes ouvrières, doit aussi être pris en considération. On remontrera que les transactions du détail, qui ne se soldent qu’avec du numéraire métallique, sont bien plus étendues lorsque les populations jouissent de l’aisance que lorsqu’elles en sont privées. — Il est vrai, mais est-ce bien la monnaie d’or qui doit se multiplier ainsi? C’est bien plutôt, ce me semble, la monnaie d’argent ou celle de cuivre qui servent aux achats journaliers du grand nombre des ménages. Avec l’or, on ne fera jamais de pièces de moins de 5 francs, et même le succès des pièces d’or de 5 francs qu’on vient d’émettre en France reste fort problématique, malgré le soin qu’on a pris de leur donner une grande surface, afin qu’elles glissassent moins entre les doigts, et déjà la pièce de 5 francs est une forte somme pour les transactions de cette sorte.

Ce serait ici le lieu de faire remarquer que l’introduction du billet de banque de 50 francs dans la circulation de la France, qui vient

  1. La quantité des monnaies tant d’argent que d’or qui circulaient en Europe il y a une trentaine d’années était estimée à moins de 9 milliards. M. de Humboldt rapportait comme plausible en 1827 le chiffre de 8,600 millions (Essai sur la Nouvelle-Espagne, t. III, p. 469). Elle a dû augmenter depuis lors, mais les institutions de crédit et de comptabilité commerciale se sont développées bien davantage. Si l’on tient compte de ce que l’Amérique a donné, presque constamment jusqu’en 1848, beaucoup plus d’argent que d’or, à peu près dans la proportion de 3 francs du premier métal contre 1 franc du second, on trouvera plausible notre assertion, que, eu égard aux monnaies d’argent que possède l’Europe et la civilisation chrétienne en général, et à l’organisation présente du numéraire, l’ensemble des états chrétiens ne comporte pas plus de 5 milliards en espèces d’or dans la circulation.