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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 11.djvu/593

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d’or par an. À ce compte, sur la masse de 5 milliards de francs qui serait plus que suffisante pour saturer d’or la circulation de l’Europe et des autres pays de la civilisation chrétienne, il y aurait tous les ans un déchet de 10 millions de francs, soit un nombre rond de 3,000 kilogrammes de métal[1].

Il faut encore avoir égard à une autre consommation d’or qui est possible, je veux parler de la thésaurisation. L’usage de thésauriser, c’est-à-dire de conserver des pièces de monnaie en nature dans une cachette, est le propre d’une civilisation arriérée, où la richesse est obligée de se réfugier sous terre pour éviter la spoliation, ou dans laquelle le prêt à intérêt existe à peine, soit que le préjugé le condamne, soit qu’on ait lieu de craindre que le plus souvent une somme prêtée serait livrée aux aventures. C’est une coutume qui pendant longtemps non-seulement a retiré de la circulation des sommes importantes, mais même les a fait perdre, parce que, au milieu des révolutions, des invasions et des autres malheurs publics, elles ont été oubliées après avoir été enfouies : le

  1. Au sujet de la question de savoir ce qu’est le frai d’une manière absolue, les données qu’on possède sont moins précises pour l’or que pour l’argent, et même pour l’argent elles ne concordent pas très bien. Pour ce dernier métal, un fait parfaitement constaté, c’est que notre pièce de 5 fr., dont on se rappelle que le poids est de 25 grammes, ne perd que 4 milligrammes par an : c’est 16 parties sur 100,000, ou 1 sur 6,250. En Angleterre, d’après les expériences de Cavendish et Hatchett, interprétées par M. Jacob, c’était pour la couronne (pièce de 5 shillings, pesant 30 grammes 7 centigr. et valant 6 fr. 10 c.) de 18 parties sur 100,000, ou de 1 sur 5,643, et pour le shilling, pièce d’une circulation beaucoup plus active, de 1 sur 219. Des relevés ont été faits sur une plus grande échelle en Hollande, il y a peu d’années, pendant la refonte générale de la monnaie d’argent, et ils sont rapportés dans l’écrit qu’a publié à l’occasion de cette vaste opération, par ordre de son gouvernement, M. Vrolik, alors président de la commission des monnaies des Pays-Bas et depuis ministre des finances. Il s’ensuit que le frai des espèces hollandaises d’argent d’un petit échantillon est sensiblement moindre que ce qu’a indiqué M. Jacob pour celles de son pays. M. Jacob a tiré des expériences faites à la (monnaie de Londres, en 1826, la conclusion que la monnaie d’or perd annuellement 1/800e. Les expériences de 1807, d’après l’interprétation qu’en donne ce même auteur, auraient indiqué un frai annuel de 1 sur 1,050 pour les guinées et de 1 sur 460 pour les demi-guinées. Si ensuite on avait égard à ce que les guinées ou pour mieux dire aujourd’hui les souverains forment la majeure partie de la monnaie d’or qui circule en Angleterre, les 9/10es à peu près, la conséquence des expériences de 1807 serait qu’en Angleterre le frai moyen annuel des pièces d’or serait de 1 sur 950. En France, où la pièce d’or dominante semble devoir être toujours celle de 20 francs, qui ne diffère pas considérablement en volume et en dimension du souverain anglais, mais où l’on a retiré de l’or, avant de le monnayer, plus soigneusement qu’en Angleterre, la petite proportion d’argent qui se trouvait dans les lingots, et qui aurait ajouté à la dureté des pièces, la proportion du fraiserait plus forte; mais je la croirais fort inférieure à 2 sur 1,000 ou à 200 sur 100,000. Lorsque l’on compare des pièces de 20 fr. un peu anciennes, et qui n’ont pas été rognées, aux pièces de 5 francs du même millésime, autant qu’on en peut juger à l’œil, elles sont moins usées. Or on a vu que celles-ci ne perdaient que 1 sur 6,250.