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prenne plus d’intérêt aux discussions religieuses. C’est une très ancienne race, possédant une masse considérable de traditions ; l’éducation dans l’Inde repose surtout sur la religion, ainsi que les lois et les titres de propriété, et il n’y a pas de race au monde qui soit mieux armée pour la discussion théologique. L’Hindou est toujours prêt à controverser avec le missionnaire… Mais ce qu’il craint, ce qu’il redoute par-dessus tout, c’est l’union de la prédication avec la force… » Et ce que disait là M. Disraeli a été confirmé par les écrivains qui connaissent le mieux l’Inde. Ils disent que les Hindous, au lieu de fuir l’instruction et la discussion en matière religieuse, les recherchent au contraire, et qu’ils reçoivent très bien les prédicateurs de la religion chrétienne tant qu’ils ne font que prêcher. Il y a beaucoup de missionnaires disséminés sur tout le territoire de l’Inde, et on ne les voit jamais ni persécutés, ni lapidés, ni insultés par la population, ce qui s’est vu plus d’une fois dans l’Europe chrétienne. Un écrivain qui signe « un vieil Indien » disait à ce propos : « Il y a un point sur lequel on se méprend beaucoup en Angleterre. Il faut qu’on sache que la grande masse de la population hindoue n’a aucune conviction raisonnée sur les principes de sa propre religion. C’est pour elle une affaire de tradition immémoriale, une légende théologique, une question de forme et de cérémonial, de coutume sociale. Sa vie est composée d’une série infinie de rites et de formes plus ou moins sacrés. Si le gouvernement s’avisait de toucher à ces formes,… il soulèverait plus d’alarmes et de résistance que n’en produirait l’établissement libre d’écoles chrétiennes ou de prédications chrétiennes sur tout le territoire…. » Les mahométans, les meneurs de la révolte, avaient admirablement saisi ce côté sensible de l’Hindou. Ils sont allés jusqu’à se servir de leur propre exemple, et du souvenir des conversions sanglantes opérées par les Mahmoud, les Timour et les Aureng-Zeb. Les Hindous avaient gardé la tradition de cette propagande par l’épée et par l’extermination que la conquête mahométane leur avait fait subir, et les mahométans eux-mêmes ont eu l’art profond de leur persuader que les Anglais leur réservaient un pareil sort. Il y a quelque temps, les missionnaires anglais dans l’Inde avaient protesté contre la tolérance excessive que le gouvernement montrait pour les superstitions les plus grossières du pays ; cette démarche a été très bien exploitée par les meneurs de l’insurrection, et ils ont répandu dans le peuple une prétendue pétition adressée à la reine par les missionnaires, et qui est assez caractéristique pour que nous la citions. — Les pères disaient donc à la reine : « Dans le temps qu’il y avait des rois mahométans, ils savaient forcer leurs sujets à se faire mahométans, tandis que depuis soixante ans qu’il y a dans ce pays un gouverne-