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citoyen attaquait l’autorité du prêtre. Mais en admettant même que les Anglais dussent observer la neutralité en matière de religions, ils ne la transgressaient pas en assurant à tous leurs sujets, de toute race et de toute caste, la jouissance de leur propre liberté, et si on veut leur défendre d’être prédicateurs, il faut du moins leur permettre d’être commissaires de police. Il y a certainement un reproche à adresser au gouvernement des Indes, mais c’est celui d’avoir plus d’une fois sacrifié aux idoles, de s’être fait, par politique et par calcul, l’adorateur ou tout au moins le préservateur de fétiches immondes, et d’avoir sanctionné par son appui et sa présence les obscènes mystères des religions asiatiques. Le gouvernement faisait si peu de prosélytisme, que dans ses écoles il ne donnait qu’une instruction séculière ; il n’y admettait pas la Bible, et les livres ne devaient renfermer rien qui ressemblât à un enseignement religieux, de telle sorte que, pour ne pas offenser les religions indigènes, il n’en enseignait aucune, pas même la sienne. S’il avait moins craint de faire des chrétiens, il n’aurait pas à se défendre aujourd’hui contre des sauvages.

Il y a aussi des gens qui trouvent très mauvais et très déplacé que les Grecs s’insurgent contre les Turcs, ou les Italiens contre les Autrichiens, parce que cela dérange l’équilibre européen, et qui regardent la guerre de l’Inde comme une guerre de nationalité et d’indépendance. Bien profonds seront ceux qui pourront trouver le signe d’une nationalité dans cette tourbe et ce chaos de plus de cent millions d’individus avilis par un éternel esclavage, écrasés depuis des siècles par le talon de tous les conquérans. Quand on rappelle à ce propos l’insurrection des colonies anglaises de l’Amérique, on oublie qu’il y avait là un vrai peuple tout prêt à prendre sa place dans le monde, et précisément un peuple d’Anglais. Nous ouvrons la déclaration d’indépendance du 4 juillet 1776, et nous y trouvons ce début simple et sublime : « Lorsque, dans le cours des événemens humains, il devient nécessaire pour un peuple de rompre les liens politiques qui l’attachaient à un autre peuple, et de prendre, parmi les puissances de la terre, la place séparée et égale à laquelle les lois de la nature et du Dieu de la nature lui donnent des droits, le respect qui est dû à l’opinion de l’humanité demande qu’il proclame les causes qui le déterminent à cette séparation. Nous regardons comme évidentes par elles-mêmes les vérités suivantes : que tous les hommes sont créés égaux, qu’ils ont été dotés par leur Créateur de certains droits inaliénables, que parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur… » Et voici la fin : « Et pleins d’une ferme confiance dans la volonté de la divine Providence, nous engageons mutuellement au soutien de cette déclaration nos vies, nos fortunes et notre bien le plus sacré, l’honneur. »