Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 11.djvu/733

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’être que le plus gracieux des peintres. Il a l’exécution, l’invention, la force même, et l’on ne sait plus que lui souhaiter.

Malheureusement l’état des fresques, et la difficulté toujours si grande de regarder en l’air ce qui s’élève verticalement, permettent peu de jouir de ces beautés d’un genre avant lui inconnu. Celles que renferme l’église de Saint-Jean-l’Évangéliste, voisine de la cathédrale, passent pour beaucoup plus altérées et m’ont paru plus visibles. C’est à la coupole de cette église, qui dépend d’un couvent de bénédictins, que le Corrège, à vingt-six ans, s’est exercé et préparé aux travaux du dôme de la cathédrale, en peignant la Vision de saint Jean. Les figures de saints qui remplissent les pendentifs ont un caractère grandiose, et partout les ressources de la couleur sont employées avec l’art magique de celui qui semble avoir découvert le clair-obscur. Dans l’hémicycle du sanctuaire, il y avait aussi une fresque du Corrège, qu’on a été forcé d’en détacher; mais elle a été remplacée par une bonne copie d’Aretusi, et la madone nouvelle produit de loin presque tout l’effet de l’original. Le temps me manque pour rendre justice aux œuvres du Parmesan, d’Anselmi, de Girolamo Mazzola, de tous ceux qui, s’inspirant du Corrège, ont cherché à compléter la décoration de l’édifice en imitant sa manière, et quelquefois en répétant ses ouvrages.

Après avoir reçu cette impression générale, il faut aller mieux étudier, mieux admirer le Corrège dans le musée qui est comme le temple de son génie. Sur la route, on vous fait arrêter au couvent de Saint-Paul. C’était une maison de bénédictines, dont l’abbesse, Jeanne de Plaisance, demanda en 1519 au Corrège de lui décorer un salon, désigné aujourd’hui sous le nom de la Grotte de Diane. La déesse y est peinte au-dessus de la cheminée, et son char est traîné par deux biches blanches sous une voûte azurée, où voltigent des amours ou des génies. La chambre représente une salle de jardin, entourée d’un treillage et ornée de petits sujets mythologiques en camaïeu. Les armes de l’abbesse n’en sont pas moins à la clé de la voûte. Dans ces jeux du talent d’un grand artiste, on reconnaît le peintre de l’Antiope; mais il est singulier que ce soit l’appartement d’une religieuse.

L’académie royale des beaux-arts est dans le palais ducal, comme la bibliothèque très riche et très bien tenue, comme le théâtre Farnèse construit tout en bois, aujourd’hui dégradé et vermoulu, mais qui passe pour le premier grand théâtre que les modernes aient élevé et garni de loges à la manière actuelle. L’ordonnance en est belle, et, créé pour les fêtes du mariage d’un duc de Parme en 1628, il devait faire de l’assemblée elle-même un brillant spectacle. Auprès du théâtre est un musée d’antiquités, très digne d’être vu, et