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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 11.djvu/803

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électriques ordinaires, et pourtant ils jouissent de propriétés tout à fait distinctes. Ainsi M. Whitehouse a montré qu’ils se transmettent dans le câble sous-marin avec une plus grande vitesse que les courans voltaïques : il a prouvé aussi qu’ils voyagent d’autant plus vite que leur intensité est plus forte, tandis que l’intensité n’a aucune influence sur la propagation des courans ordinaires. Il fut donc décidé qu’on emploierait pour le service du télégraphe atlantique des courans d’induction d’une extrême énergie. La pile voltaïque qui alimente, si l’on peut s’exprimer ainsi, l’activité de ces courans inductifs est d’une force remarquable : elle est composée d’élémens en zinc et en argent, et la disposition que M. Whitehouse leur a donnée assure au courant une remarquable régularité.

Les recherches dont nous venons de rendre compte resteront désormais comme les bases de la télégraphie sous-marine et en fixent les règles d’une manière définitive. Une seule question, dans le cas actuel, restait encore à résoudre : quelle épaisseur fallait-il donner au câble atlantique? Celui de Douvres à Calais pèse 8 tonnes par mille; si le câble de l’Atlantique avait eu les mêmes dimensions, il aurait pesé plus de 20,000 tonnes : il devenait impossible de charger une masse aussi énorme dans les flancs d’un navire, fût-ce ce Leviathan des mers, le Great-Eastern, aujourd’hui en construction, et qui pourra un jour, dit-on, transporter sur les mers une armée de dix mille hommes. L’immersion d’un câble très lourd à de grandes profondeurs est d’ailleurs une opération très difficile, qui présente les plus grands dangers. M. Brett raconte que, dans une première tentative pour relier la Sardaigne à l’Afrique, il ne put trouver dans tout l’équipage que trois hommes assez courageux pour rester auprès des freins. La prudence et l’économie commandaient de donner au câble atlantique la moindre épaisseur possible; mais d’autre part il semblait que l’électricité aurait plus de peine à se propager, si l’on diminuait le diamètre : c’est du moins ce qui arrive dans les courans ordinaires; la résistance qu’ils éprouvent est d’autant plus considérable que le fil est plus mince. Cette fois heureusement, les modifications que subit le mouvement de l’électricité dans les câbles sous-marins se prêtèrent comme à souhait aux exigences qu’il s’agissait de satisfaire; M. Whitehouse vérifia que, loin d’être retardé, le courant s’accélère quand on diminue l’épaisseur du câble. Aucune considération théorique ne s’opposait donc à ce qu’on lui donnât une grande légèreté, et on se préoccupa seulement de le faire assez épais pour qu’il conservât, pendant la descente, une convenable rigidité et ne se pliât pas trop docilement sous l’influence des courans sous-marins.

Après avoir résolu avec tant d’habileté et de bonheur toutes ces difficultés scientifiques, ces problèmes entièrement nouveaux, on ré-