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solut de faire une expérience solennelle avec les instrumens mêmes qui devaient servir un jour sur la ligne de l’Atlantique. On réunit en un circuit unique, dont la longueur atteignait plus de 3,000 kilomètres, les fils souterrains et les câbles qui font communiquer Londres, Dumfries et Dublin, avec toutes leurs ramifications. L’expérience eut lieu à Londres, dans la nuit du 9 octobre 1856, en présence du célèbre professeur Morse. M. Whitehouse employa, pour produire les courans, son appareil d’induction électro-magnétique et sa pile à élémens de zinc et argent : les signaux furent enregistrés suivant l’ingénieuse méthode de M. Morse, aujourd’hui presque universellement adoptée. On obtint de 210 à 270 signaux par minute, ce qui correspond à peu près à six ou huit mots. On s’assura ainsi qu’on pourrait transmettre environ un message de vingt mots en trois minutes, par conséquent 480 messages de cette longueur pendant les vingt-quatre heures.

Encouragée par cette expérience décisive, la compagnie du télégraphe atlantique se décida à faire appel au public, et fit connaître son prospectus le 6 novembre 1856. Le capital entier, qui montait à 350,000 livres sterling, fut souscrit presque immédiatement. La compagnie entra en négociation avec les gouvernemens de l’Angleterre et des États-Unis, qui lui accordèrent une subvention annuelle jusqu’au moment où les recettes atteindraient 6 pour 100 du capital, et mirent généreusement à sa disposition les navires dont elle aurait besoin. Le tarif des dépêches ne fut point fixé d’une manière définitive ; mais on compte porter à 100 francs le prix d’une dépêche de vingt mots de Londres à New-York, et à 60 francs le prix d’une dépêche de même longueur entre Terre-Neuve et l’Irlande. Dans ces conditions, on peut compter sur un revenu probable de 10 à 15 pour 100. Cette proportion paraîtra peut-être faible, si l’on songe aux risques de tout genre auxquels est exposée une entreprise aussi hardie ; mais il n’est pas douteux que la plupart des souscripteurs ont été moins inspirés par l’appât d’une rémunération que par le désir de contribuer à une œuvre utile et glorieuse.

La compagnie commanda le câble à la fin du mois de décembre 1856 à deux maisons anglaises, MM. Newall de Birkenhead, Glass et Elliott de Greenwich, qui s’engagèrent chacune à fournir 2,000 kilomètres de câble pour la somme de 1,550,000 francs. La fabrication des câbles sous-marins a déjà pris en Angleterre le rang d’une industrie spéciale, et l’on put satisfaire en quelques mois à une aussi importante demande : plus de deux mille ouvriers furent employés à ce gigantesque travail. Après un grand nombre d’essais, on se décida à donner au câble un poids d’une tonne par mille et une épaisseur de 15 millimètres. Quelques mots suffiront pour indiquer de quelle manière il est composé et comment il fut construit. Le