Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 11.djvu/862

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

système des monnaies françaises. Établir ce point fixe, c’est donner une garantie au loyal accomplissement des transactions et à la conservation de la propriété. Ces premières lignes de l’exposé des motifs méritent d’être reproduites textuellement.


« Les assemblées nationales se sont fréquemment occupées des monnaies. Quoique leurs travaux sur cette matière n’aient produit que des résultats partiels, elles ont posé les bases d’un système monétaire plus régulier, plus simple, et surtout plus invariable que celui qu’on avait suivi jusqu’alors. Le projet que nous sommes chargés de présenter à votre approbation améliore ce qui est fait, règle ce qui ne l’est pas encore, et renferme dans un petit nombre d’articles toutes les dispositions permanentes que la constitution a placées dans le domaine de la loi.

« Ce projet est en quelque sorte précédé par une disposition générale qui tend à prévenir la dépréciation de l’étalon et à ramener vers un point fixe toutes les variations de valeur qui peuvent survenir entre les métaux employés à la fabrication des monnaies. Il en résulte une garantie pour l’exécution des transactions commerciales et la conservation de la propriété, que nous n’apercevons dans la législation monétaire d’aucun peuple[1]


Voilà donc quels sont l’esprit et la lettre de la législation française sur les monnaies. La loi du 7 germinal an XI n’est pas un fait isolé ou improvisé; c’est la conclusion d’un long enchaînement d’actes auxquels a toujours présidé une même pensée qui est élevée et juste, parfaitement en harmonie avec la nature des choses et avec les plus hautes convenances de l’ordre social; c’est la consécration même de cette pensée. Du commencement à la fin, le législateur de la France régénérée par la révolution de 89 a constamment voulu que le système monétaire pivotât sur un point fixe. A cet effet, il a donné la qualité d’étalon à un seul métal, et il a choisi l’argent en cette qualité. Il pourra y avoir des pièces d’or, mais le mot franc signifiera perpétuellement, dans tous les cas, ou bien une quantité d’argent de 5 grammes au titre de 9/10es de fin, ou bien l’équivalent en or de cette quantité, — l’équivalent, c’est-à-dire la quantité d’or qui sur le marché aux lingots se troquerait de pair, au moment même, contre 5 grammes d’argent au titre de 9/10es de fin. Par conséquent la quantité d’or qui répondra à la valeur de 1 franc sera variable. On peut disserter sur la question de savoir si l’or n’eût pas été aussi propre que l’argent à remplir le rôle supérieur d’étalon. En 1816, les Anglais ont pensé qu’il valait mieux : c’est l’or qui fournit le point fixe sur lequel leur législation monétaire est fondée. La livre sterling est un poids d’or tel que l’once au titre de 11/12e comprend 3 livres 17 shillings 10 deniers 1/2[2]. L’argent chez eux est

  1. l’Angleterre n’a pleinement adopté le système de l’étalon unique qu’en 1816.
  2. La pièce d’une livre sterling, appelée souverain, pèse tout près de huit grammes, exactement 7 grammes 98/100e Elle est rapportée non à l’once, qui est le seizième de la livre dite avoir du poids, qui sert aux pesées ordinaires, mais à l’once qui est la douzième partie d’une autre livre, la livre troy.