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le métal subordonné; il l’est et il a pu, sinon dû l’être d’une autre manière que chez nous l’or. Quand un pays a adopté l’or pour étalon, il n’a plus besoin de l’argent que pour de faibles appoints, puisqu’on peut faire descendre les pièces d’or jusqu’à la valeur de 10 francs environ ; on essaie même en France d’en fabriquer qui n’ont que la moitié de cette valeur. Avec l’or pour étalon, on peut sans inconvénient ne laisser circuler l’argent que comme du billon, c’est-à-dire en pièces ayant une valeur intrinsèque moindre que leur valeur nominale, ce qui entraîne la conséquence qu’il ne puisse accomplir un paiement au-delà d’une petite somme. C’est ce qui se passe en Angleterre : d’après la loi de 1816, les pièces d’argent qui y circulent contiennent 8 pour 100 de moins de métal qu’il ne le faudrait pour que leur valeur intrinsèque fût de pair avec leur valeur nominale; mais elles ne peuvent acquitter une dette que jusqu’à concurrence de 2 liv. st. Au-delà de 2 liv. st., tout paiement se fait en or ou en billets de banque qui représentent de l’or.

Au contraire, lorsque l’argent est l’étalon, si l’on admet l’or dans le système monétaire, c’est à cause de l’avantage qu’il a d’être très portatif et de permettre à un particulier d’avoir sur lui une somme beaucoup plus forte sans être gêné par le poids. L’or dans ce cas est appelé nécessairement à un rôle inverse de celui que remplit l’argent dans le cas de l’étalon d’or. Il est spécialement affecté, concurremment avec les billets de banque, au service des gros paiemens, dans les circonstances qui donnent lieu réellement à un transport de numéraire. Il fait alors partie essentielle de la monnaie, tandis que, dans l’hypothèse de l’étalon d’or, l’argent peut être réduit à une attribution fort secondaire, au point de n’être plus de la monnaie proprement dite, car ce n’est pas être de la monnaie que de ne pouvoir concourir aux paiemens passé une limite fort basse, comme celle de 2 liv. st. en Angleterre.

Mais coupons court à ces aperçus, qui n’ont pas d’intérêt ici. La conclusion de ce qui précède est visiblement celle-ci : en France, l’argent est l’étalon, il est le seul métal auquel la loi reconnaisse cette qualité; l’or est un métal investi de la fonction monétaire, mais subordonné à l’argent.

Parmi les rédactions successives qu’a eues le projet de loi, les premières portaient plus explicitement que la dernière cette subordination de l’or à l’argent. Le premier projet, émané de Gaudin, disait : « Article 1er . L’argent sera la base des monnaies de la république française; leur titre sera de neuf dixièmes de fin et un dixième d’al-