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Toi qui portes toujours le rameau d’olivier,
Colombe, viens alors vers ton censeur morose :
Le fiel ne pèse pas dans ton cœur un gravier.

Que sur son tertre en fleur ton aile se repose!
Puis viens en roucoulant boire à son bénitier,
Légère colombe au pied rose!

VI.


FORMES ET PENSÉES.


Comme un vieux prêtre a soin des vases de l’église,
Pour qu’aux yeux du fidèle ébloui tout reluise,
Vous, artistes pieux, tels que le saint vieillard,
Poètes, conservez les beaux vases de l’art.

*


Pétrarque, au doux sonnet je fus longtemps rebelle;
Mais toi, divin Toscan, chaste et voluptueux.
Tu choisis, évitant tout rhythme impétueux,
Pour ta belle pensée une forme humble et belle.

Ton poème aujourd’hui par des charmes m’appelle :
Vase étroit, mais bien clos, coffret plaisir des yeux.
D’où s’exhale un parfum subtil, mystérieux.
Que Laure respirait le soir dans la chapelle.

Aux souplesses de l’art ta grâce se plaisait;
Maître, tu souriras, si ma muse rurale
Et libre a fait ployer la forme magistrale;

Puis, sur le tour léger de l’Étrusque, naissait,
Docile à varier la forme antique et sainte,
L’urne pour les parfums, ou le miel, ou l’absinthe.

*


Dante n’est plus Homère, autre est le grand Milton :
Comme eux, soyons divers de pensers et de ton;
Inspirez-nous toujours, ô muses immortelles.
Et des pensers nouveaux et des formes nouvelles!


A. BRIZEUX.