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aux mystères de l’embryogénie. Oken lui enseigna les principes de la classification naturelle ; Martius, l’organisation des végétaux et les lois de leur distribution. Il eut, à l’âge de vingt et un ans, l’honneur d’être le collaborateur de ce savant, qui était récemment revenu de l’Amérique du Sud, et qui lui confia la tâche de décrire les poissons qu’il avait rapportés du Brésil. Après avoir pris les degrés de docteur en médecine et de docteur en philosophie, M. Agassiz alla passer quelque temps à Vienne et y poursuivit ses études favorites sur les poissons. Un ami de son père lui fournit à cette époque les moyens de faire le voyage de Paris, où il fut assez, heureux pour se lier avec Cuvier et M. de Humboldt. L’accueil que lui firent ces illustres savans décida sans doute de sa carrière. M. de Humboldt lui offrit sa généreuse protection, qui depuis ne lui fit jamais défaut. Cuvier ne se contenta pas de l’encourager dans ses travaux ; il lui donna encore une marque de confiance vraiment extraordinaire, en mettant à sa disposition tous les matériaux qu’il avait lui-même patiemment recueillis pour faire l’histoire des poissons fossiles. Cet héritage ne pouvait tomber en de meilleures mains, mais un pareil acte de désintéressement scientifique honore autant celui qui en a la pensée que celui qui en est l’objet.

Après la mort de Cuvier, M. Agassiz retourna en Suisse et fut presque aussitôt nommé professeur d’histoire naturelle à Neuchâtel. La paisible cité devint alors un des centres du mouvement scientifique : c’est là que M. Agassiz écrivit ses ouvrages les plus importans. Il y mena de front l’étude des glaciers et les travaux zoologiques les plus variés. Il ne se contenta pas d’étudier les animaux vivans, comme font les zoologistes proprement dits, ou, comme les paléontologistes, les animaux éteints. Avec la noble ambition d’embrasser tous les êtres dans ses classifications, il fit rentrer dans un cadre agrandi les faunes disparues et la faune actuelle. Pendant qu’il travaillait à l’Histoire naturelle des Poissons d’eau douce de l’Europe, il achevait les Recherches sur les Poissons fossiles, qui le placèrent immédiatement au premier rang parmi les naturalistes. Ce bel ouvrage est pour l’histoire des poissons un monument aussi important que les Recherches sur les Ossemens fossiles pour les mammifères. Les découvertes de Cuvier seront toujours, sans nul doute, le chapitre le plus attachant de là paléontologie par la netteté des caractères et l’intérêt supérieur qui s’attache aux animaux terrestres ; mais on ne peut nier qu’au point de vue de l’utilité géologique, les mammifères ne le cèdent aux poissons, car, tandis que les premiers ne se retrouvent qu’isolément, dans une partie seulement des formations géologiques, les poissons ont vécu dans les mers de toutes les époques. On en rencontre des restes jusque dans ce terrain où l’on a découvert