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les premières et les plus anciennes traces de la vie organique, et auquel le célèbre géologue anglais Murchison a donné le nom de silurien, parce qu’il fut d’abord étudié dans la partie de l’Angleterre autrefois habitée par les Silures. Le terrain déconien, placé immédiatement au-dessus du terrain silurien, est remarquable par l’abondance et la singularité des poissons qu’il renferme ; en remontant l’ordre des formations géologiques, l’on en trouve encore d’analogues dans le terrain carbonifère, qui contient dans quelques parties, sous forme de houille, les restes d’une ancienne et puissante végétation. À ces dépôts anciens succédèrent les formations qu’on appelle secondaires : dans cette série nouvelle, les couches où l’on a découvert les poissons les plus nombreux sont celles du terrain jurassique, auxquelles les géologues ont donné ce nom, parce que la chaîne du Jura est due aux soulèvemens qui les ont fait surgir en larges ondulations. On rencontre également des restes de poissons dans le terrain suivant, connu sous le nom de terrain crétacé, à cause des immenses couches de craie qu’il renferme, et qui sont si développées en France, par exemple dans certaines parties de la Champagne. Enfin les poissons deviennent de plus en plus variés, et se rapprochent graduellement de ceux que nous connaissons aujourd’hui, pendant la longue période des terrains tertiaires, qui sont les plus récens, et auxquels il faut rapporter les dépôts qui forment le grand bassin géologique dont Paris est le centre.

Aussitôt qu’il commença l’étude des poissons fossiles, M. Agassiz comprit que la classification dont Cuvier s’était contenté était insuffisante. Le naturaliste français s’était borné à distinguer les poissons osseux et les poissons cartilagineux, qui n’ont point de véritables os, mais de simples cartilages. Ces derniers animaux se retrouvent en très grand nombre parmi les poissons fossiles, et, comme d’ordinaire ils n’ont laissé d’autre trace que les écailles qui recouvraient leur corps, M. Agassiz prit ces écailles mêmes pour base d’une classification nouvelle. Il y a sans doute une corrélation profonde entre ce trait extérieur et l’organisation même des poissons, puisque tout s’enchaîne et se lie dans la nature animale ; pourtant on comprendrait difficilement que M. Agassiz eût accordé tant d’importance à ce caractère unique, s’il n’y eût été en quelque sorte contraint. Tout en admirant le parti qu’il a su en tirer, on ne peut, à première vue, s’empêcher de craindre que la classification qui s’appuie sur un fondement en apparence aussi frêle ne manque de solidité ; mais les conclusions auxquelles M. Agassiz est arrivé en la développant ont un tel caractère d’ordre et de généralité, qu’on se sent bientôt disposé aies admettre avec confiance. Ces résultats inattendus ont jeté un jour, tout nouveau sur l’enchaînement des êtres à travers les âges, et