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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 11.djvu/98

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ont inspiré à M. Agassiz la doctrine zoologique qu’il défend aujourd’hui, et qui sera développée plus loin.

Le naturaliste suisse divise les poissons en quatre ordres, caractérisés, comme l’indique leur nom, par la forme des écailles, — placoïdes, ganoïdes, cycloïdes et ctenoïdes. — Les mers n’ont d’abord été peuplées que par les poissons des deux premiers ordres. Les placoïdes n’ont qu’un squelette cartilagineux ; leur peau est recouverte de larges plaques d’émail ou de petits corps osseux, âpres au toucher. Ils ont traversé toutes les époques et sont encore aujourd’hui représentés par la nombreuse tribu des squales, les requins au corps recouvert de chagrin, les raies, les scies au museau allongé en lame, les chimères, les cestracions.

Si l’ordre des placoïdes renferme à peu près tous les poissons que « Cuvier nommait cartilagineux, ceux qu’il nommait les poissons osseux sont compris dans les deux ordres des cycloïdes et des ctenoïdes. La perche peut servir de type aux ctenoïdes, tandis que les cycloïdes sont représentés par la famille des carpes, des brochets, des saumons, etc.

L’ordre des ganoïdes constitue un type qui se sépare à la fois de celui des poissons osseux et des poissons cartilagineux ; à peine représenté dans la faune actuelle, il a joué en revanche le rôle le plus important dans celle des premiers âges géologiques. Parmi les poissons, il n’en est pas qui offrent des caractères plus remarquables et plus étranges que les ganoïdes. Au lieu d’être, comme chez les autres animaux de cet embranchement, disposées à peu près comme des tuiles ou des ardoises sur un toit, leurs écailles sont rangées les unes à côté des autres comme des pavés : ce sont des plaques larges et solides recouvertes d’une couche brillante d’émail qui embrassent le corps comme une puissante cuirasse. Le squelette des ganoïdes présente aussi des caractères tout à fait originaux. On sait que, dans les poissons ordinaires, la colonne vertébrale s’arrête au point où commence la nageoire caudale ; dans les ganoïdes anciens, elle s’étendait jusqu’à l’extrémité même de la queue, et la nageoire s’y attachait à peu près comme le gouvernail à un bateau. Ce caractère, qui donne aux ganoïdes un aspect tout particulier, s’est perpétué jusqu’au début de la période jurassique ; mais la fin de cette ère fut le signal de leur prompte décadence, et depuis lors les mers ont été livrées exclusivement à l’empire des autres ordres. On ne connaît plus aujourd’hui que de rares représentans des ganoïdes, le lepidosteus, qui habite les rivières de l’Amérique du Nord, le bichir du Nil, les esturgeons, les coffres, etc.

Les recherches de M. Agassiz ont jeté une vive lumière sur les variations des formes organiques depuis les époques les plus anciennes