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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 12.djvu/102

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rantes. Figuier, de Montpellier, publia en 1811 les observations qu’il avait faites sur l’action décolorante du charbon d’os, plus énergique que celle du charbon de bois. L’année suivante, Derosne conçut la pensée de substituer le noir animal au noir végétal dans les opérations du raffinage et de l’extraction des sucres. Bientôt après, en 1813, la nouvelle méthode fut introduite chez les raffineurs de Paris, puis propagée dans les raffineries d’Orléans, du Havre, de Rouen, de Lille, de Bordeaux et de Nantes[1].

On ignorait alors quelle était la cause de la grande supériorité du charbon d’os sur le charbon de bois, et cependant cette notion théorique devait éclairer les opérations des sucreries. Il importait de résoudre la question. Un concours spécial fut ouvert en 1820 par la Société de pharmacie de Paris. Deux des concurrens[2], après de nombreuses expériences, parurent avoir résolu le problème, et reçurent le premier et le deuxième prix. Ils étaient arrivés aux mêmes conclusions, qui demeurèrent acquises à la science, et depuis ne furent plus contestées. Dès-lors il fut clairement établi que le pouvoir de décoloration propre au noir animal est inhérent au charbon pur ou carbone qu’il renferme, et qu’en outre la division extrême et régulière de ce charbon par l’interposition du phosphate et du carbonate de chaux dans la matière organique, en vertu de la structure des os, est la condition essentielle de l’intensité et de la régularité de cette propriété remarquable[3].

Dans le mémoire que j’avais présenté au concours[4] se trouvaient, avec la solution demandée par le programme, trois observations nouvelles qui passèrent inaperçues pour les uns, incomprises ou contestées par les autres, et qui cependant ont eu des consé-

  1. Tous les ans, on a vu, depuis la première application heureuse du charbon d’os, et l’on voit encore chaque année des inventeurs venir proposer des agens chimiques de décoloration plus énergiques. C’est ainsi que l’on a été conduit à essayer en grand, sous différentes formes, l’alun, l’alumine, les sels de plomb, l’acide sulfureux, les sulfites, etc. ; mais, au milieu de ces nombreuses tentatives en vue de perfectionnemens dont quelques-uns ont surgi et ont même transformé l’industrie saccharine, l’emploi du noir animal est demeuré comme le pivot nécessaire autour duquel les opérations relatives à l’extraction et au raffinage du sucre ont dû forcément tourner. On ne saurait regretter qu’il en ait été ainsi en considérant les utiles et importantes conséquences de l’emploi du noir animal non-seulement pour les sucreries indigènes et coloniales, mais encore pour l’agriculture et les défrichemens.
  2. M. Bussy et l’auteur de cette étude.
  3. Cette condition essentielle de l’action énergique du carbone a une influence telle que le charbon d’os, qui la réalise, décolore 10 fois plus que le charbon de bois, bien que ce dernier contienne environ 9 fois plus de carbone, mais dans un état de division moindre. Ainsi donc on est fondé à dire que le même corps, en vertu d’un état physique spécial, peut exercer une réaction 900 fois plus grande.
  4. Voyez ce Mémoire sur les charbons, ou Théorie de l’action du noir animal, dans l’Annuaire de l’Industrie nationale et étrangère, t. VI, p. 149.