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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 12.djvu/107

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cristallisé, et il restait moins de mélasse. Quelle était cependant la quantité maximum, à laquelle les manufacturiers pussent prétendre, de sucre réalisable sous la forme de cristaux ? En d’autres termes, quelles étaient, dans la betterave bien développée, les quantités de sucre préexistant soit à l’état cristallisable, soit à l’état incristallisable ? La science expérimentale pouvait seule répondre et fixer des limites ; encore l’analyse immédiate, toujours très difficile, était-elle alors si peu avancée, que la réponse semblait devoir se faire longtemps attendre.

Dans une note communiquée le 2 juillet 1825[1] à la Société philomathique, nous constations que les quantités de sucre incristallisable pouvaient être tellement réduites, qu’on devait considérer ce sucre comme ne préexistant pas dans la betterave, mais résultant des altérations éprouvées par le sucre cristallisable dans les opérations des usines. Les conclusions que j’avais déduites de ce fait furent confirmées par les analyses de M. Pelouze et celles de M. Péligot, à qui l’on doit plusieurs autres indications fort importantes sur les propriétés des sucres, et qui ont conduit à de nouveaux perfectionnemens manufacturiers. D’un autre côté, M. Biot, en enrichissant la science de ses observations sur des phénomènes moléculaires ou inhérens à la nature intime des corps, vint lever tous les doutes et démontrer que le sucre cristallisable, identique avec celui de la canne ou des colonies, préexiste seul ou sans aucun autre sucre dans la betterave à l’état normal. Plus tard, mettant à profit les données scientifiques antérieures, notamment celles que M. Péligot avait publiées sur les combinaisons des bases avec les sucres, M. Dubrunfaut, auteur d’un grand nombre d’ingénieux procédés industriels, parvint à extraire à l’état de cristaux blancs et purs tout le sucre contenu dans les mélasses brunes, presque noires, salées et parfois infectes des sucreries indigènes[2].

Ainsi, par ces voies différentes de l’analyse immédiate, de la physique moléculaire et de la chimie appliquée, convergeant toutes vers un même but, on est arrivé à reconnaître que la betterave à sucre contient en moyenne pour 100 de son poids 10 1/2 de sucre entièrement cristallisable. De cette quantité préexistante, on n’obtenait dans les premiers temps que 2, 3 ou 4 ; les procédés d’extraction, perfectionnés graduellement, ont permis de retirer économiquement 5, 6 et jusqu’à 6 centièmes 1/2. On voit clairement la distance qui

  1. Voyez le vingt-quatrième volume du Bulletin de la Société d’encouragement.
  2. Ce procédé remarquable donnait même des résultats économiques, et a été exploité avec profit dans plusieurs fabriques spéciales jusqu’au moment où, l’administration ayant soumis à l’impôt ces produits inattendus dont l’importance allait croissant, les bénéfices et l’industrie spéciale ont cessé tout à la fois.