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sépare encore les résultats pratiques obtenus du maximum théorique fixé par la science.

Une fois la présence du sucre cristallisable à haute dose reconnue dans la betterave, il se présentait une autre question : — où sont situés les tissus saccharifères de la plante ? à quels signes peut-on les reconnaître, et quels moyens employer pour en accroître le volume et en augmenter la sécrétion spéciale ? — Répondre à ces questions, c’était arriver d’une part à distinguer les espèces de betteraves les plus propres à la culture industrielle, c’était d’autre part fixer les règles de cette culture. Je résume ici le résultat de mes études sur cet important sujet, en rappelant qu’une très bonne anatomie de la betterave avait déjà été présentée par M. Decaisne.

La partie supérieure conique où s’insèrent durant la première année[1] les feuilles successivement développées, — en d’autres termes la tête de la betterave, — contient autour de l’axe ou dans son centre une sorte de moelle plus ou moins volumineuse, remplie d’un jus salé dépourvu de sucre. Ce sommet conique, formant la tige, très courte alors, de la plante, est abondant en fibres sinueuses et pauvre en substance sucrée ; de là vient que l’on excise la tête de la betterave pour la réunir avec une partie des feuilles aux rations alimentaires, des animaux herbivores, tandis qu’on réserve toute la racine comme matière première de la sucrerie. Cette dernière partie offre dans la betterave blanche, dite de Silésie, très généralement employée par les fabricans de sucre, la configuration d’une poire un peu longue. Dans toutes les variétés de betteraves, la partie superficielle ou épidermique est formée d’un tissu grisâtre dont les membranes sont injectées de substance azotée, grasse, et de silice : cette partie ne renferme pas de sucre. La couche sous-jacente, dite tissu herbacé, contenant souvent des substances organiques colorées en rouge, en rose[2] ou en vert, est également dépourvue de sucre.

Au-dessous du tissu herbacé, on remarque, sur la tranche transversale ou perpendiculaire à l’axe d’une betterave, une couche composée de grandes cellules globuleuses déprimées aux points de contact entre elles, offrant à peu près dans leur section la forme d’un

  1. Dans les saisons chaudes et pluvieuses, cette portion se développe dès la première année, — comme elle doit le faire ordinairement la deuxième année, si on replante la betterave, — en une tige ramifiée, haute d’environ 1 mètre, portant fleurs et graines. Cette deuxième végétation de la plante bis-annuelle épuise peu à peu la racine de tout le sucre qui s’y était accumulé durant la première phase de la végétation, et sert, durant la dernière période, à l’alimentation des pousses aériennes par la transformation de la matière sucrée en une substance congénère, la cellulose, qui constitue la trame de toutes les cellules végétales.
  2. Comme dans les betteraves blanches à collet rose, qui sont les plus sucrées.