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de certaines nécessités. Aux environs de Magdebourg, des fabricans assez nombreux et intelligens se sont établis sur des sols argilo-sableux, profonds, en un mot propices à cette culture. Ils ont eu le bon esprit de s’entendre sur leurs intérêts communs, au lieu de se diviser sur les points où tant d’autres n’auraient vu que des motifs de concurrence ou de rivalité jalouse. Centralisant leurs observations pratiques, comparant leurs résultats, ils ont, dans une honorable émulation, réalisé ce qui se pratique avec un grand succès dans le nord de la France depuis l’époque où la sucrerie indigène y fut installée, et offrit elle-même tant de bons exemples qui se sont graduellement propagés : dans notre pays[1].

Les fabricans de Magdebourg, réunis sous le nom de Société industrielle sucrière du Zollverein, ont rencontré dans une voie spéciale un autre genre d’excitation au progrès : l’impôt dans leur pays est basé, non, comme chez nous, sur les quantités de sucre présumées et définitivement acquises, mais seulement en raison du poids des racines soumises au râpage. Bien que cet impôt soit moins lourd qu’en France[2], on comprend tout l’intérêt que doit trouver l’industrie dans l’emploi des betteraves riches en sucre : si elle pouvait accroître de moitié le rendement, le droit évidemment serait amoindri de 33 pour 100. Après de longs et persévérons efforts,

  1. Les fabricans de sucre de Valenciennes forment entre eux une espèce de franc-maçonnerie très rare dans le monde industriel et très digne d’être signalée : ils sont tous amis les uns des autres, ils visitent réciproquement leurs usines et se communiquent avec un abandon absolu toutes les particularités de leur fabrication. Il s’ensuit une solidarité de progrès très remarquable. Ce n’est pas seulement entre eux que les manufacturiers valenciennois font preuve de cette honorable abnégation ; ils retendent aux étrangers de tous les pays. Aucun de leurs confrères n’est venu chez eux sans y rencontrer l’accueil le plus empressé, l’initiation la plus complète et la plus désintéressée à toutes leurs opérations. L’arrondissement de Valenciennes, qui, depuis l’année 1826, est véritablement la grande école des fabricans de sucre indigène, est aussi le plus grand producteur de sucre : la fabrication s’y est élevée en 1851 à 16 millions de kilos ; c’était alors le cinquième de la production totale de la France. Parmi les fabricans du Nord qui ont le plus contribué aux progrès de la sucrerie indigène, on cite MM. Blanquet de Famars, Harpignie-Delannoy de Crespin, Serret-Hamoir-Duquesne de Valenciennes, Marly et Wallers, Amédée Hamoir de Saultain, Gouvion-Deroy de Denain et Baillet de Condé, Grar de Valenciennes, Bernard de Lille, Dervaux, Tilloy, Lesens, Lefèbvre, etc. Nous ne saurions sans injustice négliger de mentionner à cette occasion le nom de M. Florent Robert, Français établi à Sellowitz en Autriche, où, au milieu des exploitations agricoles, il a fondé de vastes ateliers pour l’extraction du sucre et la fabrication de l’alcool à l’aide d’appareils et de procédés qu’il a su perfectionner encore, après avoir étudié les moyens employés en France et au dehors dans des usines analogues.
  2. Dans tous les états de l’association allemande, l’impôt est actuellement de 6 gros par quintal, soit 1 fr. 50 c. pour 100 kilos de betteraves. On obtient en moyenne de celles-ci 7 k. 50 de sucre, d’où il résulte que 100 kilos de sucre supportent un droit de 20 fr., tandis que le droit en France dépasse 50 fr.