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les fabricans sont à peu près parvenus à réaliser cet important et curieux résultat. Voici comment : ils savaient sans doute qu’en Alsace depuis longtemps la production des pommes de terre avait reçu de notables améliorations à l’aide d’une ingénieuse méthode de sélection. Cette méthode consiste à réserver chaque année pour la plantation les tubercules les plus lourds, qui se trouvent être les plus féculens, et capables de reproduire des pommes de terre également plus riches en fécule ou plus farineuses, plus nourrissantes et plus agréables à manger. L’espèce de triage des tubercules les plus lourds s’effectue en quelque sorte spontanément, car il suffit de mettre les pommes de terre dans de l’eau graduellement plus salée, de séparer toutes celles qui surnagent, et de réunir pour les planter les tubercules qui plongent ou tombent au fond des vases contenant les liquides ainsi préparés. Les agriculteurs-manufacturiers de Magdebourg ont appliqué le même procédé au choix des betteraves dites semençaux, destinées à être replantées l’année suivante pour servir de porte-graines. L’expérience a répondu à leur attente, car ces betteraves lourdes étaient les plus riches en sucre, et la graine qu’elles ont donnée a reproduit des racines de plus en plus sucrées, au point de contenir jusqu’à 14 et 15 centièmes de sucre, au lieu de 9 ou 11, et de produire un rendement manufacturier de 7 1/2 à 8, au lieu de 5 ou 6 1/2 pour 100. Les cultivateurs de Magdebourg remplissent une condition non moins importante et des plus favorables à l’extraction du sucre, en répandant les engrais dans une culture qui précède et enlève une portion des sels solubles[1].

Les autres soins que le cultivateur de betteraves doit prendre en tout cas, afin d’obtenir économiquement d’abondantes récoltes, consistent surtout à choisir des terrains convenables, argilo-sableux, légèrement calcaires, renfermant les doses utiles de phosphate de chaux, de sels de potasse et de soude, etc., assainis à l’aide du drainage, s’ils étaient trop humides. On doit d’ailleurs suivre un assolement qui ramène les betteraves seulement à des intervalles de

  1. La betterave, ainsi que plusieurs plantes ou salifères ou maritimes de la même famille (chénopodées), peut sans doute développer une végétation luxuriante sous l’influence des engrais abondans en principes salins ; mais alors ses racines, souvent plus volumineuses et moins sucrées, donnent un jus plus aqueux, dans lequel les substances salines opposent toutes un obstacle réel à l’extraction du sucre : le sel marin en particulier forme un composé cristallisable qui retient plus des 8/10es de son poids de sucre, suivant l’observation de M. Péligot. Nos fabricans de sucre, qui ne sont pas excités par un mobile aussi puissant, se contentent d’entretenir la qualité saccharine de leurs betteraves en renouvelant de temps à autre la semence, qu’ils font venir de Silésie. Peut-être obtiendraient-ils encore de meilleurs résultats en réunissant toutes les conditions favorables que nous venons de rappeler pour accroître la sécrétion sucrée et réduire aux doses utiles à la végétation les substances salines dans le sol.