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de certaines variétés, comme les betteraves rouge et jaune, faciles à arracher et abondantes en principes alibiles étrangers au sucre. Ces principes restent en effet dans la vinasse réunie aux bandelettes de betterave, tandis que la plus grande partie s’écoulerait en pure perte des distilleries où l’on emploie soit les presses, soit le lessivage à l’eau.

L’emploi des presses ou du lessivage à l’eau soulève d’ailleurs une importante question de salubrité. Il est bien rare que l’écoulement des vinasses ainsi traitées soit exempt d’inconvéniens graves. Si elles se rendent dans un petit cours d’eau ayant un faible volume ou peu de vitesse, ou dans un étang, elles y portent des germes de fermentation putride qui manifestent leur présence, soit en détruisant les poissons, soit par des émanations incommodes et insalubres pour la contrée[1]. Ces inconvéniens peuvent s’aggraver encore dans le cas plus général où les vinasses s’écoulent soit dans des fossés, soit sur des terrains horizontaux, ou offrant des pentes très faibles ; elles y forment bientôt des mares putrides dont l’étendue augmente les dangers. Aussi a-t-on vu dans plusieurs départemens les préfets interdire l’établissement de distilleries placées dans ces conditions. Les usines installées suivant la méthode de macération et de lessivage à la vinasse sont exemptes de pareils reproches, car elles utilisent la totalité de leurs résidus.

L’histoire des exploitations de la betterave en France présente, on a pu s’en convaincre, un ensemble de résultats bien dignes d’intéresser tout à la fois l’administrateur, le savant, l’industriel et l’économiste. Parmi ces résultats, il en est quelques-uns d’essentiels sur lesquels je reviendrai en terminant.

Née sous la pression de graves circonstances, sortie victorieuse d’épreuves multipliées, l’industrie sucrière indigène, en améliorant

  1. Ces émanations fétides peuvent acquérir une grande intensité, lorsque les terrains qui forment le fond ou les parois des mares ou étangs contiennent, outre le carbonate calcaire, une quantité notable de sulfate de chaux (gypse, plâtre), car alors la fermentation, enlevant l’oxygène de ce sulfate, donne naissance à du sulfure de calcium ou sulfhydrate de chaux qui, décomposé à son tour par les acides que recèlent les eaux ultérieurement écoulées, laisse dégager en abondance du gaz acide suif hydrique ou hydrogène sulfuré à odeur forte et infecte.