Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 12.djvu/124

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par d’ingénieux appareils la fabrication du sucre, a fourni une base aux progrès réalisés ou en voie de s’accomplir dans les sucreries coloniales. Grâce à cette impulsion puissante, le prix de revient du sucre s’est abaissé, et la production totale a pu s’élever au niveau d’une consommation croissante, qui est bien loin encore d’avoir atteint son apogée, car on ne consomme actuellement en France[1] que 168 millions de kilos de sucre, tandis que la consommation du sel dépasse 240 millions de kilos. Or, si l’aisance étaiit plus générale, il est évident que la proportion inverse devrait s’établir, et que la consommation du sucre devrait atteindre 360 millions de kilos. Elle ne serait encore, à ce chiffre, que de 10 kilos par tête, tandis qu’en Angleterre et en Écosse elle s’élève à 16 kilos par individu, et tend à s’accroître encore.

En cherchant à perfectionner le raffinage du sucre, l’industrie sucrière a provoqué une précieuse découverte, — celle des propriétés du noir, animal, non-seulement comme agent de raffinage, mais comme un des plus puissans engrais dont dispose aujourd’hui l’agriculture, comme un de ses plus énergiques auxiliaires dans les terrains à défricher.

Le problème de l’introduction des sucreries dans les fermes, proposé par la Société centrale d’agriculture et par la Société d’encouragement, a été résolu, mais dans un sens inverse à celui des programmes : le matériel est resté trop complexe, trop dispendieux pour les petites exploitations rurales ; les grandes fabriques de sucre sont devenues les centres agricoles de cultures perfectionnées qui ont développé à la fois la production animale et la production du blé, en réalisant ainsi les vues des économistes et des savans.

Des préjugés de diverse nature offraient de sérieux obstacles au succès des sucreries indigènes ; l’un des plus tenaces contestait au produit de la betterave une qualité sucrante égale à celle du principe immédiat tiré de la canne. Il est aujourd’hui reconnu, conformément aux données scientifiques les plus exactes, que le sucre de canne et le sucre de betterave se trouvent absolument identiques lorsqu’il sont parvenus à l’état de blancheur et de pureté complète, mais que jusque-là les proportions minimes de substances étrangères sapides et odorantes ont une influence marquée et une importance notable. Dans la plante indigène, ces substances, désagréables au goût et à l’odorat, en déprécient sensiblement les produits applicables à la consommation. Dans la plante coloniale, offrant un arôme agréable propre à la canne, elles ont un cours plus élevé, et, comme le sucre candi avant sa complète épuration, trouvent des applications

  1. D’après les états de douane pour 1856, il faut compter 123,900,000 kilos de sucre mis en consommation, et 37,410,249 exportés.