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que je suis beaucoup plus sûr qu’alors de l’exactitude de mes conjectures. Ce qui doit encourager MM. les astrologues, mes confrères, à prédire à tort et à travers, c’est que, s’ils se trompent, on ne fait pas d’attention à leurs bévues, tandis que s’ils rencontrent juste, on crie au miracle. Je redirai à satiété qu’en 1846, ayant prédit un hiver pluvieux d’après la pose des baleines au-dessus du banc de Terre-Neuve, on me fit grand honneur de ma prédiction, mais qu’ayant pronostiqué d’après d’autres données les saisons suivantes, je reçus de la météorologie un démenti formel. Or, quand on me félicitait de ma sagacité de 1846, j’y opposais ma méprise de 1847 malgré des indications tout aussi plausibles ; mais personne n’avait gardé la mémoire de cet échec. L’esprit humain paraît tellement ami de l’erreur, que quand il ne se trompe pas tout seul, il est enchanté qu’on veuille bien prendre la peine de le tromper.

Reste la question de savoir si, pour les régions qui nous occupent, la situation ira toujours en empirant, ou si ce n’est qu’une période défavorable qui sera suivie d’une période contraire. Je réponds que cela est peu à espérer, et voici mes raisons : en attribuant au soulèvement du fond des mers islandaises une diminution du courant chaud, diminution dont la France et l’Europe moyenne profiteraient en prenant une plus grande part dans les eaux chaudes du gulfstream, la question revient à savoir si ce soulèvement s’arrêtera, ou s’il sera progressif. Or on doit présumer que la même cause qui, au commencement de l’ordre actuel de la nature, a brusquement mis à sec le sol de la Scandinavie, de l’Islande, du Groënland et de toute la côte occidentale ; de l’Europe, que cette cause, dis-je, après une grande catastrophe, conserve encore un reste d’action et complète lentement l’effet qu’elle a produit d’abord en presque totalité. C’est la loi mécanique des actions entre les corps qui sont un peu flexibles, et il n’en est point d’autres dans la nature. Posez un poids sur un ressort, il le fléchira tout de suite d’une quantité considérable ; mais laissez le poids sur le ressort, il s’ajoutera encore un peu de flexion à l’effet déjà obtenu. Malgré des assertions contraires, je maintiens que, tout le long du littoral de la France, le continent va de siècle en siècle en se soulevant lentement, et que la mer par suite semble se retirer. Avis encore cette fois aux observateurs de chaque localité. La riche collection que le prince Napoléon avait rapportée de son voyage, et qui a été exposée plusieurs mois au Palais-Royal, offrait un exemple des plus instructifs. On y avait mis séparément les échantillons de l’Angleterre, puis ceux des îles Fœroë, puis ceux de l’Islande, enfin ceux du Groënland et de même ceux de la Norvège. Si l’on eût ajouté sur une pancarte le nom des minéraux qui sont partout, on aurait eu le bordereau complet de