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à toute la population de cétacés, d’oiseaux et de quadrupèdes arctiques pullulant autour de ses pics aigus, puis qui redescendait vers l’Islande, cette circulation d’eau chaude, dis-je, étant tarie ou amoindrie, n’a plus dès-lors compensé, comme autrefois, les inconvéniens d’une trop grande proximité du pôle, et dans tout ce bassin le climat s’est détérioré. On pourrait dire hardiment que le courant qui contourne le Cap-Nord a dû faiblir, et en le sondant avec le thermomètre, comme l’a fait, il y a quelques années, M. de Laroche-Poncié, on devrait trouver de dix en dix ans un abaissement de chaleur. Par suite, le climat des rivages de la Mer-Blanche doit avoir subi un affaiblissement dans sa température. Il serait donc important, dans plusieurs localités de la Mer-Glaciale, de tâter le pouls aux courans au moyen du thermomètre, et cela tous les dix ans. Je répète qu’on n’a jamais rien fait de sérieux et d’ensemble pour connaître météorologiquement notre terre. Supposez un habitant de la lune, un sélénite (qui n’existe pas), transporté ici-bas : nous lui dirions la distance de tous les points de sa lune, la hauteur de ses montagnes, la forme de ses cratères, les fentes du sol qu’il foulerait s’il existait, la rugosité de chaque plaine, le niveau des plateaux et les coulées de lave des volcans lunaires, enfin les effets de la chaleur solaire pendant ses jours et ses nuits d’un demi-mois. Malheureusement, si à son tour il concluait que l’habitant de la terre, le cybélien, qui sait tant de choses sur la lune, va le renseigner sur la géographie physique de sa terre, il serait fort surpris de voir son savant obligé de lui répondre à chaque question : « Je ne sais pas ! » Ce qui serait pis et ce qui donnerait de celui-ci une pauvre idée au sélénite, c’est qu’il serait obligé d’avouer que, pouvant savoir, il ne s’est même pas douté de l’importance de ces notions au sein d’une nature dont les modifications météorologiques règlent la fécondité de la terre et les productions sur lesquelles la race humaine base sa subsistance matérielle.

J’ai remarqué dans le voyage de la Reine-Hortense cette curieuse et importante observation, qu’en 1856 le vent dans les latitudes de 50 à 60 degrés a toujours soufflé de l’est ; Le contraire avait lieu les années précédentes. C’est, comme je l’avais dit en 1856, une rechute des courans qui a produit en France tant d’inondations, et c’est le retour des vents à l’état normal qui a remis de même les saisons d’Europe dans leur marche régulière ; la prédiction que j’en avais tirée pour 1857 s’est accomplie, et quoique je l’eusse hardiment annoncée dans le discours que je prononçai au mois d’août, à la séance solennelle des cinq académies[1], j’avoue

  1. Voyez la Revue des Deux Mondes du 15 août 1857.