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critiques : sous un certain aspect, ce sont des employés à traitement fixe, parce que, là surtout où la population surabonde un peu, les personnes qui font travailler le plus résistent à l’accroissement des salaires qui dérangerait leurs calculs et troublerait leurs prévisions. C’est un fait d’observation, que lorsque les denrées haussent, les salaires ne s’élèvent pas nécessairement en proportion, non que le mouvement ascendant des salaires ne finisse par se déclarer aussi, lorsque la cherté des subsistances se prolonge, mais il ne suit que de bien loin, pour la plupart des professions, renchérissement des articles les plus nécessaires à la vie. C’est que les populations ouvrières sont de toutes les classes de la société la plus dépendante, parce qu’elles sont la plus nécessiteuse. Pouvant le moins attendre, puisque le besoin les presse, elles sont plus tenues de se résigner aux conditions qu’on leur fait. Par cela même, les satisfactions qu’elles ont lieu d’espérer par une fixation nouvelle des salaires ne leur sont le plus souvent accordées qu’après des retards. Il serait aisé de citer des exemples qui établissent cette proposition. M. Tooke en a fait l’observation dans son important ouvrage de l’Histoire des Prix. Dans son enquête historique sur les Métaux précieux[1], M. Jacob fait plusieurs remarques dans le même sens, et entre autres celle-ci, que l’institution de la taxe des pauvres aurait été en Angleterre l’effet des changemens causés par la baisse des métaux précieux. Cette opinion a été reproduite tout récemment par M. James Maclaren dans un écrit remarquable, dont le titre même a de l’intérêt[2], et sur lequel je reviendrai dans un instant.

Pour les propriétaires fonciers eux-mêmes, la période de transition serait une époque de trouble toutes les fois qu’ils auraient à vendre leurs terres, non que le prix de celles-ci ne dût avoir un mouvement ascendant ; mais quel serait à chaque instant renchérissement légitime, c’est ce qu’il serait difficile, sinon impossible, de déterminer avec quelque exactitude. En ce genre comme dans une multitude d’autres, les transactions prendraient un caractère aléatoire.

Il serait facile de citer beaucoup de placemens, très recherchés aujourd’hui, qui deviendraient périlleux en ce que le capital s’y amoindrirait de lui-même et y dépérirait pour ainsi dire par une véritable consomption. Dans cette catégorie se rangerait tout ce que j’appellerai des placemens financiers, c’est-à-dire ceux dont le capital

  1. On the precious Metals, deuxième volume, chapitre XX.
  2. Lettre au chancelier de l’échiquier sur la détermination que viennent de prendre les états allemands d’adopter l’étalon d’argent, et sur quelques circonstances qui rendent une mesure invariable de la valeur plus importante pour l’Angleterre que pour tout autre pays.