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— 1851, 930 ; — 1852, 930 ; — 1853, 1,000 ; — 1854, 988 ; — 1855, 778. Sur ce dernier nombre de 778 malades, qui s’est maintenu à peu près le même en 1856 et 1857, il y avait 417 hommes et 361 femmes. La moitié environ vient de l’hospice de Bruxelles, qui n’a gardé pour les aliénés non envoyés à Gheel qu’un petit nombre de cellules annexées à son bel hospice civil de Saint-Jean.

Les aliénés de toute catégorie sont admis à Gheel, à l’exception néanmoins de ceux dont la maladie exige l’emploi d’une contrainte continue, — entre autres les monomanes suicides, homicides, incendiaires, ceux dont les évasions auraient été trop fréquentes, ou dont les affections pourraient troubler la tranquillité ou la décence publiques. Quant aux maniaques, sujets seulement à des accès de fureur intermittente, ce sont, ainsi que nous l’expliquerons bientôt, les sujets les plus recherchés des paysans.

La commune de Gheel a si peu soigné sa propre renommée, quelques imperfections réelles ont été tellement exagérées, que d’ordinaire les familles ne songent à y envoyer leurs malades qu’après avoir épuisé ailleurs des traitemens plus vantés. Aussi les incurables constituent-ils la majeure partie de sa clientèle, et cela contribue encore à déconsidérer la colonie, en diminuant la proportion des guérisons et en augmentant celle de la mortalité. Dans l’admission, il n’est tenu aucun compte de la nationalité, du culte, de l’âge, du sexe, de la fortune. Tout le monde est accueilli avec une égale sympathie, et reçoit, sauf la distinction des classes quant à la nourriture et au logement, les mêmes soins hygiéniques et médicaux. Après les Belges, qui naturellement sont en majorité, les Hollandais et les Allemands sont les plus nombreux ; viennent ensuite quelques Français, plus rarement des Anglais ou des Scandinaves. Les communes et les hospices qui comptent plus de vingt malades sont autorisés à se faire représenter à Gheel par un délégué qui a voix consultative dans les assemblées de la commission administrative.

La commune entière est catholique ; mais la liberté de conscience et de culte, qui, en Belgique, existe pour tout le monde, est plus sacrée encore pour l’insensé, dont la conversion ne saurait tenter aucun zèle. Il est à l’abri de toute tentative de prosélytisme. Même fraternelle hospitalité pour tous les âges, les vieillards comme les enfans ; pour toutes les fortunes, les pauvres comme les riches ; pour toutes les éducations, les ignorans comme les lettrés. Le ton général du pays étant à la simplicité rustique, les riches peuvent s’y croire dépaysés, et ils y sont en effet en petite minorité. Ils n’y trouveraient pas même l’ombre de ce luxe de construction ou d’ameublement par lequel on tente, dans quelques établissemens particuliers, de prolonger les jouissances et les illusions de la vie so-