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de métal, il n’a pas d’autre obligation. Si pour payer les créanciers de l’Angleterre dans les années précédentes, lorsque l’or enchérissait quelque peu par rapport aux autres marchands, le gouvernement anglais eût prétendu distraire des arrérages de la rente 2 ou 3 pour 100 ou plus, c’est alors qu’on l’eût dénoncé comme spoliateur. Dans le cas, qui était possible, où les mines de la Californie, de l’Australie et de la Russie boréale n’eussent pas existé ou simplement n’eussent pas encore été découvertes, et où les mines d’or anciennement connues se fussent appauvries, le gouvernement anglais n’eût pas été fondé à diminuer le montant des arrérages et à donner une 1/2 livre sterling au lieu d’une entière, sous prétexte que l’or aurait enchéri du simple au double. Eh bien ! la loi est la même pour lui que pour ses créanciers. Ceux-ci n’ont rien à réclamer au-delà de la quantité d’or qui a été convenue comme formant la livre sterling, si l’or, au lieu de renchérir, s’avilit. Les deux parties ont couru la chance d’une variation dans la valeur de l’or : celle des deux en faveur de laquelle la chance a tourné en profite légitimement. Ainsi, pour l’Angleterre, qui a l’étalon d’or, la stricte équité n’a rien à redire au changement, malheureux pour lui, qu’éprouvera le créancier de l’état.

En France, en serait-il de même ? L’état serait-il admissible à profiter de la baisse de l’or pour faire le service des intérêts de sa dette à meilleur marché ? Peut-il se prévaloir de ce que les 29 centigrammes d’or, qui, en l’an XI, étaient l’équivalent des 4 grammes 1/2 d’argent fin formant le franc, semblent aujourd’hui au moment d’avoir une valeur très notablement moindre, et payer en or les rentiers ? Ceci est une question de bonne foi, dont je crois qu’après les renseignemens déjà résumés, la solution ne saurait être douteuse. Ce serait attentatoire à la justice, parce que la France a l’étalon d’argent. Dans la monnaie française, l’argent, comme dit l’exposé des motifs de la loi de l’an XI, est le point fixe, et ce point fixe est la garantie de l’équité et de l’honnêteté des transactions, le gage de la conservation de la propriété. Il n’est pas possible d’ébranler ce point fixe sans manquer à la probité, dont les états sont tenus, plus encore que les particuliers, d’observer strictement les règles.

Si c’était l’argent qui baissât de valeur, le gouvernement français serait dans son droit en payant les rentiers en argent, tout comme devant. C’est en argent que la convention a été faite. La loi a" statué une fois pour toutes que 4 grammes 1/2 d’argent fin feraient 4 franc, ni plus ni moins. Ainsi que le disait Gaudin dans un passage que j’ai déjà cité, « celui qui prêtera 200 francs ne pourra en aucun temps être remboursé avec moins d’un kilogramme d’argent[1],

  1. Au titre de neuf dixième de fin.