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qu’il sera convenu entre eux, avec faculté de vendre et débiter ledit charbon en gros et en détail. Il est à remarquer que le duc de Montausier avait sollicité modestement un privilège perpétuel ; mais, soit que le contrôleur général des finances eût entrevu l’énormité de cette prétention, soit que l’autorité royale tendît à résister davantage aux exigences de la haute noblesse, la concession avait été limitée comme je viens de le dire. Il est même utile d’observer que, d’après les termes de la concession, différens de ceux de la demande, le privilège n’était en quelque sorte que fictif. Le duc de Montausier mourut avant d’avoir pu connaître les effets de sa concession ; mais sa fille et héritière, la duchesse d’Uzès, — celle-là même dont la gracieuse enfance avait consolé la vieillesse chagrine de Mme de Rambouillet, — fut bientôt obligée de faire interpréter le don royal, par suite d’une contestation grave entre un cessionnaire de ses droits et des exploitans de l’Anjou. Ces derniers voulaient n’attribuer à la donataire que le droit d’ouvrir les mines dans les fonds appartenant soit au roi, soit aux particuliers qui ne voudraient pas en faire l’ouverture. La duchesse d’Uzès demandait au contraire que les mines ouvertes ayant le don de 1689 lui fussent concédées, sauf le dédommagement des propriétaires, et qu’elle pût seule faire ouvrir toutes les nouvelles mines, à l’exclusion même des propriétaires. La question était donc nettement posée ; elle fut nettement tranchée par le roi en faveur de la duchesse d’Uzès, qui, si elle ne put troubler l’exploitation des houillères anciennement ouvertes par les propriétaires, reçut du moins le droit d’ouvrir les mines partout où elle en trouverait, en s’arrangeant avec ces propriétaires, ainsi que le droit de les empêcher de fouiller leurs terrains sans sa permission. Ce système ne fut guère en vigueur qu’en apparence, car le 13 mars 1698 un arrêt célèbre, rendu à l’occasion d’un procès intenté au duc d’Uzès, petit-fils du duc de Montausier, par les religieuses de Sainte-Florine en Auvergne, accorda le droit à tous les propriétaires d’exploiter, sans en demander la permission à personne, les mines de houille qu’ils trouveraient dans leurs terrains. Ce régime de liberté absolue fut, je n’ai pas besoin de le dire, la source d’abus désastreux pour la partie importante de la propriété souterraine dont je m’occupe en ce moment, et ils sont constatés dans l’arrêt déjà cité de 17ùû, où on lit que cette liberté indéfinie a fait naître en plusieurs occasions une concurrence entre les propriétaires, également nuisible à leurs entreprises respectives.

Le régime fatal inauguré par l’arrêt de 1698 ne fut pas, grâce à la singulière élasticité des règlemens de l’ancienne monarchie, adopté dans toute l’étendue du royaume. Dès 1704, on trouve des concessions particulières et exclusives de mines de houille faites par le souverain