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fractionnement sans trop de secousses pour les intéressés des compagnies nouvelles.

Pour bien comprendre le rôle de cette gigantesque association, qui a encouru des reproches mérités, mais qui a aussi rendu de grands services à l’industrie houillère de la Loire, il convient de se reporter à l’époque où il s’agissait d’effectuer dans ce département la régularisation prescrite par la loi de 1810. Cette opération ne put être achevée qu’en 1824 ; quatorze ans furent perdus dans une lutte acharnée entre les propriétaires de la surface, qui voulaient ressusciter le système de la propriété privée, et les exploitans, leurs fermiers, qui invoquaient comme titre la création à leurs risques et périls de l’industrie houillère. Comme il arrive trop souvent dans un conflit de passions locales, une transaction déplorable fut substituée à la solution rationnelle que réclamait le problème, et annihila de cette façon les effets salutaires qu’avait eus en vue le législateur de 1810. Les propriétaires se réunissaient en nombre suffisant pour présenter à l’administration une superficie capable de former le périmètre d’une concession, demandaient cette concession, tracée sans relation aucune avec l’allure déjà assez nette du terrain houiller, l’obtenaient, et reprenaient le lendemain la libre disposition du tréfonds, réalisant ainsi illégalement le système proscrit par la loi et en tirant les conséquences fâcheuses qu’il ne peut manquer d’entraîner. Quant aux petits propriétaires, ils reçurent cette redevance tréfoncière exorbitante et exceptionnelle dont j’ai parlé ailleurs. Le bassin de la Loire, où devaient poindre plus tard les dangers du monopole, fut le théâtre d’une concurrence excessive, dont la houille en nature était la monnaie courante et dépréciée. Les concessionnaires se la partageaient, les propriétaires du sol la recevaient pour redevance, les ouvriers même la prenaient en guise de salaire. Le premier remède apporté à cet état d’anarchie, de gaspillage et finalement de misère fut la constitution de sociétés particulières ; j’ai dit tout à l’heure combien il fut insuffisant, en faisant connaître l’origine de la loi de 1838. C’est quelques années plus tard que, sous prétexte de mettre fin aux inconvéniens évidens d’un morcellement irrationnel du sol houiller, se forma la vaste association qui groupa les sociétés elles-mêmes et vint se heurter contre l’excès contraire, tout en réparant dans une certaine mesure les fautes dont elle héritait.

Dans de certaines limites, l’agglomération dans les mêmes mains des concessions de mines est en effet une bonne chose, eu égard à la concentration qu’exige forcément un aménagement rationnel de la richesse minérale, aux moyens puissans qu’il faut souvent employer pour vaincre des obstacles qui peuvent être gigantesques,