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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 12.djvu/21

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ce que, l’or cessant pour un certain intervalle, qui peut être passablement long, de satisfaire à la condition essentielle d’une valeur relativement stable, il cesse par cela même d’être apte aux fonctions monétaires. Le changement d’étalon est en soi un acte rempli de gravité, auquel on ne peut se porter qu’après mûre réflexion et qu’autant qu’on est bien certain d’avoir de son côté la raison et la justice, ainsi que les plus hautes et les plus légitimes convenances de l’intérêt public. Toutefois la substitution de l’un des métaux précieux à l’autre pour cette importante attribution serait bien autrement possible à justifier — dans le cas où l’on abandonnerait le métal dont la baisse graduelle est imminente ou déjà déclarée — que s’il s’agissait, ainsi qu’on l’a proposé et qu’on le propose encore en France, de dépouiller de la qualité d’étalon le métal dont la valeur reste relativement fixe pour en investir l’autre, dont la valeur serait en voie de décroissance. Cependant le changement d’étalon, même dans les circonstances où l’or serait remplacé par l’argent, comme en Angleterre, ne laisserait pas de soulever de fortes objections. Les débiteurs en tout genre, auxquels nécessairement cette substitution serait préjudiciable, représenteraient, non sans justesse, que si la baisse de la valeur de l’or doit tourner à leur avantage dans le système de l’étalon d’or, la hausse, si elle avait eu lieu, aurait été à leur détriment et au profit des créanciers : si le sort se prononce en leur faveur, c’est aux créanciers de se soumettre. Et, ajouteraient-ils, n’y a-t-il pas eu des momens dans l’histoire moderne de l’Angleterre où le débiteur a eu à souffrir de la hausse de l’or, soit par rapport à sa valeur passée, soit par rapport au papier-monnaie qu’il avait reçu, lui débiteur, lorsqu’il empruntait dans la période de 1797 à 1821, et dont il a dû, s’il s’est acquitté après cette dernière date, faire le remboursement en or ? Les choses ne se sont-elles pas passées alors tout comme si l’hypothèse de la hausse du précieux métal se fût réalisée ? Si dans ces circonstances ils eussent réclamé le changement du système monétaire du pays, ils eussent été certainement éconduits. Par la même raison, diraient-ils, il n’y a pas lieu d’accueillir aujourd’hui les réclamations que pourrait présenter le créancier à l’occasion de la baisse.

En Angleterre, il y aura pour le contribuable une certaine compensation aux accroissemens d’impôts, accroissemens apparens au surplus et non pas réels, que la baisse de l’or obligera de demander au parlement. Elle viendra de ce que l’intérêt annuel de la dette publique, qui est d’environ 28 millions sterling ou 700 millions de francs, est une charge qui, tout en restant la même nominalement, serait de fait allégée de moitié, si la baisse de la valeur de l’or était dans cette proportion. Répétons en effet qu’une fois la baisse du