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dans le sas, et par suite dans le tube - puisque ces deux espaces communiquent ensemble, l’eau est refoulée, et les ouvriers, travaillant à sec au fond du puits, envoient leurs déblais dans le sas-à-air par l’intermédiaire d’un petit treuil. La porte inférieure joue librement, et la porte supérieure est fortement pressée. Au moment où les ouvriers doivent sortir, on ferme la porte et le robinet inférieurs, et on ouvre avec précaution le robinet supérieur ; l’équilibre atmosphérique se rétablit dans le sas-à-air, la porte supérieure peut être ouverte, et les ouvriers quittent le travail. Une manœuvre tout à fait inverse s’opère lorsqu’ils viennent le reprendre.

Il se passe là, on le pressent, des effets physiologiques tout particuliers pour les ouvriers, qui travaillent dans une atmosphère d’une pression double de celle à laquelle ils sont habitués, et qu’il serait téméraire de vouloir beaucoup dépasser, dans cette atmosphère artificielle, l’homme peut à peine siffler ; il ne parle qu’avec effort, et nasille plus ou moins ; il ressent une sorte de bien-être excessif, dû à l’activité de la respiration, accusée par la rapidité du phénomène de la combustion[1], qui est telle qu’il faut des lampes à mèches très petites pour l’éclairage. La circulation du sang toutefois ne paraît pas se modifier ; la sensation de douleur ou tout au moins de gêne ne se manifeste qu’au commencement de la production et au moment de la cessation de l’atmosphère artificielle. Quand l’ouvrier a pris place dans le sas et que la pression de l’air augmente, il éprouve des bourdonnemens et des douleurs d’oreilles pendant plusieurs secondes, et respire avec quelque difficulté ; quand il y revient pour sortir et que l’équilibre ordinaire tend à se rétablir, il se trouve sous l’impression du froid engendré par la raréfaction de l’air primitivement comprimé, et tel qu’un brouillard épais remplit le sas. Enfin, plusieurs heures après avoir quitté le travail, il est sujet à des maux de tête, à des douleurs dans les articulations qui ont parfois été jusqu’à la perclusion des membres, il garde aussi une sensibilité maladive des organes de l’ouïe ; mais, je dois me hâter de le dire, ces effets fâcheux paraissent toujours avoir été momentanés et avoir cédé à un traitement fort simple. Néanmoins il ne faut employer dans un travail aussi exceptionnel que des hommes jeunes, robustes, d’une grande tempérance, auxquels on doit donner une nourriture très substantielle.

Cette compression atmosphérique présente en outre le danger de l’explosion du sas-à-air, et un accident grave de ce genre est arrivé dans le département du Nord à la fin de 1846. Un soir, le couvercle

  1. Le feu se propage avec une telle vitesse, qu’un ouvrier qui avait laissé enflammer ses vêtemens périt victime de son imprudence, sans qu’il fût possible de lui porter secours.