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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 12.djvu/32

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d’augmenter la masse de la monnaie en France[1]. Le monnayage effréné de l’or n’est rien de plus qu’un expédient au moyen duquel certaines personnes ravissent au pays, avec profit pour elles-mêmes, sa monnaie faite d’un métal à valeur fixe pour la remplacer par une autre dont la valeur est condamnée à décroître.

Si le législateur intervenait maintenant dans le sens que je prends la liberté de signaler, ce qui d’ailleurs me semble commandé par l’esprit de la législation existante, on est fondé à penser que tout se passerait sans secousses, et que l’instrument des échanges resterait dans les conditions d’abondance que réclame l’étendue accoutumée des transactions de toute espèce. Il y a encore en effet beaucoup de monnaie d’argent dans les départemens. Malgré la demande inusitée d’argent qui s’est déclarée depuis deux ans environ, à destination de l’Inde et de la Chine, la Belgique et la Hollande, qui n’ont plus de monnaie légale qu’en argent, n’ont aucunement éprouvé le manque de numéraire, et c’est une double expérience qui me paraît convaincante. Ensuite on ne doit pas perdre de vue qu’avec cette combinaison, que j’emprunte à la proposition du conseil des cinq cents, modifiée par la commission des anciens, l’or ne cesserait pas de circuler en France sur de grandes proportions, quand bien même on en restreindrait le cours légal entre les particuliers aux paiemens de 1,000 fr. et au-dessous. On ne voit aucune raison pour que, sous ce régime, bien moins absolu que celui qui a été adopté en Belgique et en Hollande, l’or se retirât de la circulation. Tout porte à croire au contraire qu’il y resterait dans la mesure où l’on en a besoin. En ce qui concerne les métaux précieux, la seule chose qui dès-lors serait interrompue, et elle le serait au grand avantage du public, c’est le courant, aujourd’hui violent, qui remplace dans la circulation de la France les espèces d’argent par les espèces d’or, en permettant aux marchands de métaux précieux de faire arriver chez nous des masses de lingots d’or et de les échanger avantageusement contre nos écus de 5 francs.

Quelques personnes ont proposé une solution très différente de celle sur laquelle j’ai cru devoir appeler ici l’attention. On retirerait à l’argent la qualité d’étalon pour la transporter à l’or. Il serait entendu que le franc, dépouillé désormais de toute liaison avec notre système métrique, se composerait d’environ 29 centigrammes d’or fin ou de 32 centigrammes et une fraction d’or au titre de neuf dixièmes. À l’égard de l’argent, il n’y aurait plus qu’une alternative

  1. C’est un sujet sur lequel la première partie de cet essai présente quelque développement.