Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 12.djvu/342

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

dans cet extrême péril, à sa personne sacrée. De son côté, le roi est assujetti à un règlement très sévère : tous les actes de sa vie intérieure et de sa vie publique sont prévus et ordonnés avec le soin le plus minutieux. Il ne peut manger, boire, dormir, faire ses prières, donner audience, recevoir la reine et les dames du palais qu’à des heures fixées. Le mode d’éducation de ses enfans est prescrit par le code, qui condamne ses filles à une perpétuelle virginité, le législateur considérant les gendres comme de mauvais parens qui pourraient abuser de leur situation à la cour pour trahir leur beau-père. Ainsi les Siamois sont les esclaves de leur souverain, le roi de Siam est l’esclave de l’étiquette : tout le monde est esclave dans ce pays, où s’est conservée intacte la tradition du despotisme oriental.

La constitution de la royauté de Siam présente une particularité singulière : il y a un second roi, qui est ordinairement un frère ou un proche parent du premier roi, et qui partage avec celui-ci les prérogatives du pouvoir. Au Japon, on voit également deux souverains, le siogoun et le mikado ; mais le siogoun est le véritable souverain, et il exerce toutes les attributions politiques ; le mikado, relégué dans un somptueux couvent, est une sorte de grand-prêtre investi seulement de l’autorité spirituelle. Il n’en est pas de même à Siam : le second roi est en réalité le collègue du premier. Il a sa cour, ses grands officiers, ses ministres ; il commande les armées, on le consulte pour toutes les affaires de l’intérieur et de l’extérieur. Les envoyés étrangers qui se sont présentés à Siam ont été reçus par lui. Comment ces deux souverains peuvent-ils vivre ainsi l’un à côté de l’autre, sans empiétement, sans conflit, portant ensemble le fardeau du pouvoir suprême ? C’est un problème qui nous paraît insoluble. Quoi qu’il en soit, le fait est exact. Les deux princes qui occupent aujourd’hui le trône de Siam vivent en bonne intelligence : Mgr Pallegoix et sir John Bowring leur rendent ce témoignage.

La famille royale, grâce à la polygamie, est toujours très nombreuse. Mgr Pallegoix évalue à deux ou trois cents l’effectif des princes qui dépendent de la cour de Siam, sans compter les princesses, qui vivent cloîtrées dans le palais de la reine sous la surveillance d’une gouvernante chargée en même temps du service et de la garde des concubines. Il n’y a pour les princes que douze emplois de cour, en tête desquels figure la grande maîtrise des chevaux et des éléphans. Les autres princes font le commerce ou se livrent aux plus humbles métiers ; ils disparaissent ainsi peu à peu dans les rangs du peuple. Quant aux mandarins, ils sont divisés en cinq classes entre lesquelles sont réparties toutes les fonctions civiles et militaires. La plupart des emplois se transmettant par voie d’hérédité,